Dossier

Le gendarme des télécoms fête ses 20 ans d’une façon très « libérale » !

Internet, télécoms fixes, réseaux mobiles et postaux sont des «infrastructures de libertés». Liberté d’expression et de communication, liberté d’accès au savoir et de partage, mais aussi liberté d’entreprise et d’innovation. Parce que le plein exercice de ces libertés est essentiel dans une société ouverte et démocratique, les institutions nationales et européennes veillent à ce que les réseaux d’échanges se développent comme un «bien commun», quel que soit leur régime de propriété, c’est-à-dire qu’ils répondent à des exigences fortes en termes d’accessibilité, d’universalité, de performance, de neutralité, de confiance et de loyauté. Tels seraient les objectifs affichés de l’Arcep. Hélas, cette «promesse» n’est pas tenue.
Bien au contraire…


Les 20 ans de l’arcep : on n’aime pas forcément…

La loi de réglementation des télécommunications (1996) a créé l’Autorité de Régulation des Télécommunications (ART) qui s’est mise en place en 1997. En 2005, elle est devenue l’ARCEP en voyant ses compétences étendues à la régulation des activités postales.
Gérard Larcher, qui fut rapporteur de la loi de 1996, déclare dans un opuscule à la gloire des 20 ans de l’ARCEP :
« Cette loi a marqué la fin du monopole public sur le téléphone. Nous étions convaincus – et nous avons eu raison – à la fois des vertus d’une concurrence accompagnée d’une régulation efficace et de la capacité à la concilier avec les principes du service public et de l’aménagement du territoire. » La réalité d’aujourd’hui, c’est que nous n’avons eu que l’hyper-concurrence avec ses conséquences désastreuses pour l’emploi. Si, de son point de vue, la régulation s’est avérée efficace, c’est plutôt pour affaiblir le service public avec un échec total concernant l’aménagement du territoire.
En effet, Bruno Lasserre, qui organisa au ministère des PTT le démantèlement de l’administration de service public et qui est tristement célèbre pour ses méfaits lorsqu’il dirigeait l’autorité de la concurrence, vend la mèche dans l’opuscule cité précédemment, en expliquant : « Fêter les 20 ans de l’Arcep, c’est […] aussi se souvenir que le concept de régulateur vient de l’Europe, avec l’obligation pour les États de séparer les fonctions de réglementation et d’exploitation, et un champ d’action limité aux obstacles que le droit commun de la concurrence ne peut lever. »
C’est donc l’Union Européenne qui a fini par imposer à la France ses lois de libéralisation.
Et lorsque Bruno Lasserre parle d’obstacles, il s’agit clairement de montrer du doigt tout ce qui touche au service public, tout ce qui pourrait servir l’intérêt général plutôt que l’intérêt privé, tout ce qui échappe à la loi du profit.
Quant à Jean-Ludovic Silicani, qui fut président de l’ARCEP lors de l’introduction de Free sur le marché du mobile, il déclare : « L’Arcep œuvre au bénéfice des utilisateurs et protège les consommateurs. La libéralisation du secteur avait pour principal objectif, en stimulant la diffusion de l’innovation, de faciliter le développement de nouveaux services et de réduire les prix. »
Il confirme les objectifs consuméristes de l’institution et, en cela, son indifférence aux désastres sociaux et économiques qu’il a manifesté lorsqu’il nous a reçus ou lors de nos interpellations.

zones blanches et écrans noirs

Les « zones blanches », c’est-à-dire des zones sans aucune possibilité d’utiliser un téléphone mobile et/ou internet, souvent situées en zones rurales où la population est peu dense, ne sont toujours pas résorbées. Le plan France Très Haut Débit, lancé début 2013 avec pour objectif de couvrir tout le territoire d’ici 2022, est très en retard. De plus, il présente un surcoût de 15 milliards d’euros d’argent public. Tout cela pour conformer la politique française aux injonctions libérales de l’Union européenne… D’autre part, il faut rappeler que 85 % des Français sont raccordés à Internet. Quid des 15 % restants ? Il devient urgent de réparer cette fracture numérique. Pour FO, il faudrait un vrai plan pour le numérique qui ne saurait se résumer au plan « très haut débit » actuel.

Sous prétexte de s’adapter au monde actuel ou de faciliter l’innovation, c’est en réalité une forme d’impuissance économique volontaire qu’organise l’ARCEP

On le voit face au démantèlement de SFR, comme on l’a vu à propos de la tentative de rapprochement entre Bouygues Télécom et Orange. Seules comptent la concurrence et la baisse des prix. Les plans de suppression d’emplois peuvent bien se succéder, l’investissement peut bien s’effondrer, l’ARCEP n’en a cure.
Pourtant, l’organe de régulation est supposé être indépendant et on pourrait s’attendre à une autre approche. Mais le président actuel de l’ARCEP, Sébastien Soriano, explique dans la publication citée précédemment : « L’essor du numérique permet d’ouvrir une nouvelle ère de l’action publique, fondée sur le partage et l’agilité. » Agilité décidément mise à toutes les sauces pour remettre en cause les droits sociaux ! Nous voyons poindre ici la généralisation de l’ubérisation. Il précise d’ailleurs plus loin :
« Parce que le nouveau monde émerge presque toujours des acteurs à la marge, l’innovation ne doit pas être l’apanage des acteurs en place ou des modèles préexistants. Pour le régulateur, il s’agit de garantir qu’internet reste un espace ouvert, où chacun peut échanger et innover, sans biais ni silo. C’est accepter le foisonnement et l’incertitude, en donnant sa chance à chacun, en permettant les expérimentations et l’émergence de modèles alternatifs, dans ou hors marché, sans a priori. »
L’Internet « ouvert » et la « neutralité du Net » sont utilisés pour justifier une régulation au service d’acteurs qui remettent en cause le modèle de développement industriel et le service public au profit d’un modèle soi-disant innovant mais en réalité très destructeur. Quand Sébastien Soriano reproche à Orange de trop investir et qu’il menace l’opérateur historique de nouvelle mesures de rétorsion, il prend fait et cause pour les acteurs financiers. Ceux qui veulent parasiter le secteur des télécommunications, ceux qui veulent gagner de l’argent sans investir, sans créer d’emplois, sans payer d’impôts.

Qui ne voit pas que ce sont les grands acteurs de l’Internet (Google, Amazon, Facebook, Microsoft et Yahoo) qui sont aujourd’hui les grands gagnants de cette politique ?

Il est dès lors peu étonnant d’apprendre que Google vient de recruter Benoît Loutrel, le Directeur Général de l’ARCEP, pour l’aider à utiliser (ou contourner ?) les règles françaises. Selon la théorie de l’œuf et de la poule, on peut se demander si ce ralliement est la suite logique de la politique de l’ARCEP ou sa cause…
Sébastien Soriano entend « réguler par la data ». Il écrit : « Réguler ”par la data” est une démarche qui dépasse la seule transparence. Cela peut signifier de ”dégrouper la data”, c’est-à-dire d’aller la chercher ”dans le ventre” des acteurs économiques. » Il y a là une menace directe contre les grandes entreprises françaises, au premier rang desquelles figure La Poste. Si l’ARCEP contraint les grandes entreprises de service public à mettre à disposition de leurs concurrents les données liées à leurs relations avec les millions d’usagers, alors elles vont perdre leur principal avantage compétitif et seront menacées. Et nous voyons bien aussi que si La Poste, Orange ou d’autres seront contraintes de mettre leur données à disposition des autres, y compris les GAFA, il est clair que personne ne pourra contraindre ces mêmes GAFA de livrer les données, tout aussi massives, qu’elles stockent sur leurs serveurs américains. Aucune réciprocité ne sera donc possible et c’est une nouvelle menace que fait peser le régulateur sur la compétitivité des entreprises françaises. Et Sébastien Soriano n’est manifestement pas pressé de parler de tout cela avec FOCom. Nous sommes toujours sans réponse à notre demande d’audience du 11 janvier 2017.
Si l’on veut faire un vrai bilan des 20 ans de l’ARCEP, on ne peut que décréter l’état de catastrophe sociale.Privatisation, destruction de dizaines de milliers d’emplois, faillites d’entreprises, entrave au développement économique et à l’équipement du pays, favoritisme pour les acteurs financiers et les GAFA, hyperconcurrence et consumérisme à outrance, décidément, quand on a 20 ans, on n’aime pas forcément.

les opérateurs des télécoms en chiffres

En France, ils représentent 54 % des 73 milliards d’euros de chiffre d’affaires de l’écosystème numérique, le reste étant les GAFA et les différents acteurs du numérique.
✓ 68 % des 128 500 emplois directs
✓ 82 % des 3 milliards d’impôts et taxes
✓ 89 % des 9 milliards d’investissements

Respect de la vie privée au travail : vos droits !

Smartphones, ordinateurs portables, tablettes, intranet, cloud, messageries, agendas partagés, data, réseaux sociaux… Les outils digitaux font aujourd’hui partie intégrante de notre quotidien. Nous sommes connectés en permanence, partout, et cela modifie profondément notre façon de travailler.
En utilisant ces outils, chaque salarié devient producteur de données numériques et se retrouve objet de rationalisation, de contrôle. L’utilisation toujours plus importante des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans le contexte professionnel provoque une intensification de la collecte de données qui représentent un énorme enjeu, économique notamment. Les grands acteurs du marché se livrent une guerre sans merci pour le leadership du secteur… Ce contexte ultra-concurrentiel doit être bordé de garde-fous solides pour que soit respecté un droit fondamental des travailleurs, la préservation de leur vie privée et de leurs libertés.
De ce fait, la digitalisation du travail est au cœur des préoccupations de notre syndicat. FOCom a pour objectif de donner les moyens au personnel de résister aux dérives liées à l’utilisation de ces données et à l’intrusion dans leur vie privée. Lors de la table ronde qu’elle organisait le 21 juin 2016 la Commission Cadres de FOCom Orange a abordé la question de la protection de ces données et du contrôle de l’utilisation qui en est faite. Éric Pérès, vice-président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) et Secrétaire FO de l’Union des Cadres et Ingénieurs, venait à cette occasion présenter le contenu de la loi de 1978 qui encadre toujours l’utilisation des outils numériques. Bref compte rendu.

Vous avez dit données personnelles ?

Adresse IP, mail, numéro de sécurité sociale, identifiant unique de cookie, numéro de carte bancaire, numéro de compte client, numéro de téléphone, taille, âge, sexe… Ce sont autant de données qui, croisées entre elles, vont permettre d’identifier directement ou indirectement une personne. Dans un jeu de données (dataset en anglais) de plusieurs millions de connexions anonymes, il suffit de 3 points d’identification pour retrouver quelqu’un. Par contre, si une entreprise « anonymise » toutes les données pour faire disparaître ce qui identifie les personnes pour n’en faire que des agrégats statistiques alors ce ne sont plus des données à caractère personnel. La distinction est essentielle.

D’où vient la CNIL ?

La Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) est née en 1978 après l’affaire SAFARI (Système Automatisé pour les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus) révélée en mars 1974 par le quotidien Le Monde. Il s’agissait d’un projet gouvernemental qui visait à ficher les citoyens à travers leur numéro de Sécurité Sociale et permettait d’accéder à toutes les informations sur une personne. S’éleva une vive opposition contre cette atteinte aux libertés et c’est à la suite de cet événement que la CNIL fut créée avec la loi relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée le 6 août 2004.
Cette loi constitue le fondement de la protection des données à caractère personnel dans les traitements informatiques. C’est une prise de conscience que l’on commence à rentrer dans l’ère de la donnée, de l’information mais surtout de l’interopérabilité des fichiers et que, pour prévenir les dérives, il faut des garde-fous. À l’époque, l’administration centralisée était seule assez puissante pour produire des fichiers. Aujourd’hui ce sont les acteurs économiques d’emprise planétaire comme Google, Amazon, Facebook, Apple… (GAFA) qui en font un enjeu économique majeur. Ces données ont aujourd’hui une valeur marchande considérable : ciblage des opérations de commercialisation et des publicités sur le Web avec les cookies, revente des données personnelles à des tiers… La loi de 78 protège les salariés, à condition d’en connaître le cadre. Le traitement des données à caractère personnel n’est pas interdit mais il est régi par 5 grands principes à respecter.

1. La définition d’un objectif
Lorsque l’on collecte des données à caractère personnel, la question à se poser est : pour en faire quoi ? Quelle en est la finalité ? Elle doit être déterminée, on doit dire précisément à quoi sert ce traitement. Et une fois défini, ça ne peut pas servir à autre chose. Si la CNIL contrôle ou si une organisation syndicale observe que l’on utilise un fichier pour autre chose, il peut y avoir des sanctions.

2. La pertinence
Les informations collectées et enregistrées doivent être pertinentes et strictement nécessaires à l’objectif poursuivi. Il faut se demander si les données collectées sont bien adéquates. Si on veut connaître la mixité sociale d’un groupe, on va se renseigner sur le sexe des individus, et pas sur l’âge ou l’orientation sexuelle qui ne permettent pas de mesurer ce que l’on cherche. Ce principe de pertinence interdit d’absorber toutes les données possibles et de définir celles que l’on va discriminer. C’est le principe de minimisation de la collecte, on ne doit pas collecter plus de données que nécessaire. Il faut aussi faire attention au caractère sensible de certaines données. L’article 8 de la loi interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale, ou les données qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle.

3. La conservation des données
Cela concerne notamment le droit à l’oubli. La durée de conservation doit être définie en fonction de la finalité de chaque fichier. Ainsi, la conservation d’une même donnée peut varier en fonction des objectifs poursuivis. Par exemple, les données relatives à la gestion de la paie ou le contrôle des horaires des salariés peuvent être conservées 5 ans.

4. Le respect des droits
Chaque salarié a le droit de savoir le traitement le concernant. Le droit d’accès et de rectification mais aussi le droit de s’opposer doivent être garantis. Lors de l’informatisation de tel ou tel service, ou lorsque des données sont recueillies par exemple par voie de questionnaires, le personnel concerné doit être informé de la finalité du traitement, du caractère obligatoire ou facultatif du recueil, des destinataires des données… Toute personne peut demander communication de toutes les informations la concernant, qui sont contenues dans un fichier détenu par l’établissement. Chaque salarié a le droit de faire rectifier ou supprimer les informations erronées. Et tout individu a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données le concernant soient enregistrées dans un fichier informatique, sauf si celui-ci présente un caractère obligatoire.

5. La sécurité
Il faut toujours garantir la sécurité de ces données et celles de l’entreprise. On parle là de l’archivage des données. On ne peut pas conserver « ad vitam aeternam » les données concernant une personne salariée. Par exemple, pour les données de vidéosurveillance, l’entreprise ne peut pas les garder plus d’un mois. Certaines entreprises stockent des informations confidentielles. Il doit y avoir des habilitations et tous les salariés n’ont pas accès à ces données, et pas tous aux mêmes données (par exemple les données RH).

Les règles à respecter par votre employeur

La CNIL a mis en place un régime d’autorisations et de normes à respecter pour protéger les salariés contre les usages abusifs des outils numériques au travail.
Ont été mises en place un certain nombre de mesures de simplification. Lorsqu’une entreprise souhaite mettre en place des traitements de nature similaire par exemple, il n’y a pas à demander plusieurs autorisations mais une autorisation unique.
Les formalités préalables (déclaration, demande d’autorisation) sont obligatoires et les entreprises qui y contreviendraient seraient susceptibles de sanctions pénales (5 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende).
La « déclaration CNIL » est un des piliers de la loi Informatique et Libertés. Le plus généralement, l’employeur procède à des déclarations normales, déposées auprès de la CNIL par exemple lorsqu’il veut installer des caméras. La CNIL ne délivre pas d’autorisation formelle, à charge pour l’entreprise de déclarer dans les règles et de respecter le cadre juridique.
Il y existe également un régime des autorisations de la CNIL. Quand une entreprise veut traiter un numéro de Sécurité Sociale ou des données de santé, elle tombe dans le régime de l’autorisation. C’est l’article 25 de la loi, ça concerne, entre autres, le numéro de Sécurité Sociale donc, mais également les infractions, la géolocalisation…
Par exemple, l’autorisation unique 008 concerne les dispositifs biométriques utilisant la reconnaissance de l’empreinte digitale pour des systèmes de contrôle d’accès aux locaux sur les lieux de travail. Les destinataires de ces données sont les personnes habilitées du service du personnel et celles habilitées du service gérant la sécurité des locaux. Les durées de conservation sont également définies de façon très précise et ne peuvent excéder 5 ans après le départ de l’employé, 3 mois s’agissant du déplacement des personnes et des visiteurs. Les représentants du personnel doivent être consultés préalablement à la mise en œuvre de tels dispositifs et les employés doivent être individuellement informés par la diffusion d’une note explicative.
Enfin, il y a un certain nombre de normes simplifiées que doivent connaître les entreprises et qu’elles doivent respecter. Les nouvelles technologies offrent à l’employeur de nouveaux moyens de contrôle et de surveillance des salariés et la stricte application de ces normes doit permettre de les limiter.

LIRE LA SUITE

Des dérives potentielles

Parmi les informations qui peuvent être problématiques dans l’entreprise, il y a la géolocalisation du salarié par son équipement numérique et son véhicule, les horaires d’accès aux locaux notamment par l’usage des badges ou la biométrie, la vidéosurveillance, l’écoute des conversations téléphoniques, ou encore les informations RH comme celles fournies pour le recrutement.

  • L’écoute et l’enregistrement des conversations sur le lieu de travail

La pratique n’est pas prohibée mais soumise au respect d’une norme à respecter (norme 57). On ne peut pas écouter de façon permanente ou systématique un salarié car on peut le placer en état de stress durable. À la base, les dispositifs d’écoute étaient mis en place pour permettre une meilleure formation des salariés. Mais on s’est rendu compte qu’en fait, dans 80 % des cas, cela a un impact sur les primes attribuées. On parle, dans ce cas-là, d’un détournement de finalité du dispositif. Par ailleurs, les enregistrements ne peuvent être conservés plus de 6 mois. Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute installation d’un tel dispositif.

  • La localisation des véhicules mis à disposition des salariés

On ne peut pas géolocaliser le véhicule d’un individu en dehors du temps de travail (norme 51). La norme prévoit que seules peuvent être enregistrées les données relatives à l’identification du salarié, à ses déplacements et à l’utilisation du véhicule, à l’exclusion de toute information sur les dépassements de limitation de vitesse. On ne peut pas non plus l’utiliser pour contrôler un salarié en permanence. La durée de conservation des données est de deux mois et peut être étendue à un an dans certains cas. L’information des instances représentatives du personnel et des salariés doit être préalable à la mise en place du dispositif.

  • La gestion administrative du personnel

Certaines cartes de cantine contiennent des données RH. En application de la norme 46, on ne peut pas enregistrer ce que vous mangez ou buvez car cela reviendrait à obtenir des données de santé indirectes. Le traitement doit avoir pour seules finalités la gestion administrative des personnels (dossier professionnel, annuaires, élections professionnelles…), la mise à disposition d’outils informatiques (suivi et maintenance des matériels, annuaires informatiques, messagerie électronique, intranet…), l’organisation du travail (agendas professionnels, gestion des tâches), la gestion des carrières (évaluation, validation des acquis, mobilité…) et la formation des collègues. Les destinataires des données sont les personnes habilitées chargées de la gestion du personnel, les supérieurs hiérarchiques des salariés, les instances représentatives du personnel et les délégués syndicaux.

  • L’utilisation des badges sur les lieux de travail

La norme 42 concerne les traitements mis en œuvre sur le lieu de travail pour la gestion des contrôles d’accès aux locaux des salariés et des visiteurs, la gestion d’horaires ainsi qu’à la gestion de la restauration. La norme ne concerne que les dispositifs contrôlant les entrées et sorties du lieu de travail et ne permet pas le contrôle des déplacements à l’intérieur du lieu de travail, à l’exception de certaines zones identifiées faisant l’objet d’une restriction de circulation justifiée par des mesures de sécurité. Les systèmes utilisant une identification biométrique n’entrent pas dans le champ d’application de cette norme. Les données traitées sont relatives à l’identité, la vie professionnelle, aux badges, aux accès au parking, aux visiteurs, aux heures d’entrée et de sortie et à la gestion de la restauration.

Action syndicale et respect de votre vie privée

Dans les entreprises, la présence syndicale sur le terrain – et tout particulièrement celle de FOCom, qui a très tôt adopté une position en pointe sur la problématique – est désormais essentielle dans une optique de protection effective des données personnelles des salariés. Plusieurs domaines d’intervention sont possibles.

  • Le juridique

Dans le cadre légal, comme on l’a présenté plus haut, il existe la loi de 78, la loi Lemaire et le projet de règlement européen avec le Privacy Shield (voir encart en page 25). Mais légiférer n’est pas toujours le moyen le mieux approprié vu la rapidité avec laquelle la technologie évolue. Cela permet toutefois de garantir un socle de principes fondamentaux tels que liberté de communication, liberté d’expression et protection de la vie privée.

  • La régulation

Avec les autorités indépendantes, les contrats, les accords négociés, les chartes de fonctionnement avec l’employeur, les salariés et les représentants syndicaux peuvent réguler l’utilisation des données collectées (cf. l’accord digitalisation signé par FOCom chez Orange).

  • L’information et la formation

Les salariés et les représentants syndicaux doivent être sensibilisés à cet enjeu crucial des rapports nouveaux entre l’informatique et les libertés, et ce bien au-delà de l’aspect légal et réglementaire.
Pour prendre un exemple concret, un des grands débats dont il faudra se saisir, et dans le champ syndical en tout premier lieu, concerne les algorithmes de calcul et de traitement. À travers eux, les données sont triées et recoupées de façon massive, mais pour leur faire dire quoi exactement ? Qui produit ces programmes ? Comment sont-ils écrits ? Et à quelles fins ? Les questions se posent et exigent un vrai débat démocratique mais pour cela il faut que les citoyens et les salariés soient capables d’en comprendre et d’en maîtriser les enjeux.

On l’a vu, des autorités indépendantes, comme la CNIL, encadrent la protection de nos données. Force Ouvrière de son côté s’emparera de tous les leviers disponibles pour peser dans le débat, pour défendre et faire respecter la vie privée des salariés.

FOCom moteur pour l’encadrement du numérique à Orange

dessin_garde_fousFOCOM S’EST TRÈS TÔT et totalement impliquée dans la réflexion sur la digitalisation dans le cadre professionnel. En effet celle-ci impacte considérablement les métiers, l’organisation et les conditions de travail. En juin 2015, nous avions axé notre colloque annuel autour de cette question et avions été associés aux travaux de la mission Mettling avec la Confédération FO. Nous avons en particulier fait valoir que la révolution numérique ne devait pas être prise comme prétexte pour déboucher sur une suppression de la référence au temps et lieu de travail existant dans le Code du travail et le contrat de travail. Après plusieurs mois de négociation et de multiples péripéties le « premier accord portant sur l’application de la transformation numérique chez Orange » a été signé le 27 septembre. Il reprend ces grands principes et donne un premier cadrage pour protéger les salariés contre les risques liés aux nouvelles technologies. Il affirme que la dimension humaine doit être au cœur de la transformation numérique. Il réaffirme que le respect vie privé/vie professionnelle et l’égalité professionnelle doivent être assurés. Concrètement, il garantit la protection des données personnelles des salariés et la possibilité de contrôler leur utilisation. Il garantit le droit à la déconnexion. Il s’engage à réduire la fracture numérique, notamment en formant tous les salariés, en leur permettant de s’approprier les nouveaux outils à leur rythme et en les accom-pagnant dans leur usage.
Enfin, conscients que les transformations numériques sont très rapides, les parties signataires ont convenu que ce premier accord devra être complété et amendé au fur et à mesure de ces évolutions. Pour donner de la visibilité et permettre les échanges, un Conseil National des Transformations Numériques est créé sans se substituer aux instances repré-sentatives du personnel. Porteuse de ce projet de bout en bout, FOCom sera attentive à la mise en musique des mesures contenues dans cet accord et aux améliorations qu’il aura lieu d’y apporter.

FERMER

télétravail
État des lieux à Orange


la tendance récente consistant à affranchir tout ou partie de l’activité professionnelle de son cadre fixe traditionnel (bureau…) connaît un développement régulier. le télétravail peut se révéler un atout pour l’équilibre du salarié comme pour les résultats que l’employeur attend, à la condition que des règles précises en encadrent l’exercice. À orange, c’est le cas depuis 2009. le temps d’un premier bilan.

douche

Principes qui encadrent le télétravail

Le télétravail repose sur le principe de VOLONTARIAT. Il doit faire l’objet d’un contrat (principe de CONTRACTUALISATION). L’employeur prend en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail (principe de PRISE EN CHARGE PAR L’ENTREPRISE DES COÛTS). L’employeur et le salarié peuvent convenir, à l’initiative de l’un ou de l’autre, de mettre fin au télétravail (principe de RÉVERSIBILITÉ). Le télétravail permet au salarié de bénéficier d’une grande liberté quant à l’organisation de son temps de travail. Pour autant, la législation sur la durée du travail et les règles concernant le décompte d’éventuelles heures supplémentaires doivent être respectées. L’employeur peut donc contrôler le temps de travail de son salarié. Les modalités de ce contrôle sont précisées au sein de l’accord collectif applicable ou, à défaut, dans le contrat de travail ou son avenant.
Afin que le salarié puisse être joignable, il est également nécessaire de définir des horaires au cours desquelles lui et son employeur peuvent se contacter. La loi indique qu’il appartient à l’employeur de fixer ces plages horaires après s’être concerté avec son salarié.
La loi envisage le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles, comme par exemple les épidémies, les intempéries, les pics de pollution ou les inondations, le recours au télétravail peut avoir lieu de manière ponctuelle afin de permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Juridiquement, la mise en œuvre du télétravail est alors considérée comme un simple aménagement du poste de travail. Une modification du contrat de travail n’est donc pas nécessaire.
Par contre, la loi ne prend pas en compte explicitement les travailleurs « nomades ». Elle n’aborde ni les problèmes de période d’adaptation, ni les problèmes de santé, ni les problèmes de formation. Elle ne parle pas des droits collectifs : en particulier n’est pas mentionnée la nécessité d’informer et de consulter le comité d’entreprise. Les télétravailleurs ne sont pas identifiés comme tels sur le registre unique du personnel. Pourtant, seule cette identification permet une totale transparence sur l’importance du télétravail dans l’entreprise et de faire diminuer le télétravail « sauvage » ou « gris » (c’est-à-dire non explicitement reconnu par un contrat ou un avenant) au profit du télétravail négocié.

Les différentes sortes de travail à distance

Le travail « nomade » concerne les commerciaux, les techniciens d’intervention, de nombreux indépendants et ne fait pas l’objet d’une législation.
Le télétravail occasionnel à distance, lié à des motifs conjoncturels (intempéries, problèmes de transport) ou lié temporairement à des contraintes individuelles (maternité, problème de santé, aidants familiaux…).pub_2
Le télétravail pendulaire, le plus fréquent, où on alterne temps dans l’entreprise et temps dans des lieux distants. La forme la plus courante est au domicile du salarié. Mais ce peut être aussi :

  • en bureaux déportés appartenant à l’entreprise ou à un de ses partenaires,
  • en tiers-lieux tels que les télécentres, des centres d’affaires équipés de TIC (très haut débit, visiophonie) et d’espaces de « coworking » (voir encadré à droite) qui rassemblent des professionnels ayant la même activité ou des activités complémentaires.
  • dans des lieux intermédiaires comme les trains, gares, aéroports, hôtels… qui proposent des espaces équipés de liaisons internet aux nomades.

État des lieux sur le télétravail

On ne dispose que de statistiques partielles peu récentes et de sondages ponctuels et hétérogènes. Il ressort d’une étude de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) publiée en octobre 2015 que :

  • 60 à 70 % des salariés se déclareraient intéressés par le télétravail, les Franciliens et les jeunes diplômés le plébiscitent massivement.
  • Le télétravail concerne 14,2 % des salariés du privé et du public, soit environ 3 millions de salariés sédentaires.
  • En 2013, moins de 200 accords signés dédiés ou incluant un volet télétravail régulier ont été recensés. Cela signifie qu’il existe de nombreuses pratiques peu formalisées (télétravail « gris ») que FO dénonce car elles laissent la porte ouverte à tous les abus et échappent aux radars : en 2012, une statistique évaluait à 67 % les cas de télétravail effectués « en dehors de tout formalisme » c’est-à-dire sans encadrement négocié.

Pour ou contre le télétravail ?

Pour les salariés, les avantages évoqués tournent autour de l’autonomie dans l’organisation du travail, une meilleure qualité de vie (moins de temps de trajet domicile-travail).
Le télétravail peut faciliter l’accès à un emploi éloigné du domicile notamment pour des personnes ayant des difficultés de déplacement. Il est présenté aussi comme pouvant favoriser les parcours en limitant les freins liés aux exigences de mobilité géographique pour les femmes notamment. Ou une réponse à la fermeture de site.
L’argument d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie sociale et familiale est en revanche largement entaché par les risques d’envahissement de la vie privée par le travail, la suppression de la frontière entre les sphères privée et professionnelle, avec, à la clef, des heures de travail dépassant le cadre légal, non comptabilisées ni bien sûr payées en heures supplémentaires 1. Les salariés peuvent aussi souffrir d’isolement voire d’exclusion du collectif de travail. Le mélange vie personnelle/professionnelle et les difficultés à atteindre les objectifs peuvent causer des dommages psychosociaux (réactions psychologiques ou comportementales, voire pathologies).
Pour les employeurs, l’intérêt réside dans une baisse importante de l’absentéisme, une augmentation de la productivité, des salariés plus motivés, et des économies estimées jusqu’à 30 % sur la surface immobilière et les frais de fonctionnement… C’est l’occasion de mettre en place une nouvelle organisation du travail basée sur une plus grande flexibilité des personnels pouvant aller jusqu’à une forme extrême, l’ubérisation 2.

LIRE LA SUITE

Villa Bonne-Nouvelle l’espace de coworking interne ou corpoworking pilote d’Orange
bonne_nouvelle
Ouvert en octobre 2014 sur 350 m² dans un bâtiment qui hébergeait les « demoiselles du téléphone » du temps de l’aïeul d’Orange, les PTT, cet espace peut accueillir 50 coworkers.
La Villa Bonne-Nouvelle possède toutes les caractéristiques du coworking : lieux modulables à l’aide de lourds rideaux gris, espace détente, jeux
vidéo, espace cuisine-repas, patinette, cabine téléphonique recyclée, start-upers et geeks…
Et ambiance décontractée mais studieuse.
Les salariés d’Orange peuvent venir travailler le temps d’une réunion, d’un projet, même pour plusieurs mois avec toute l’équipe projet qui mêle temps collaboratif et travail à distance.
On y retrouve aussi des start-up.
Comme les open-space souvent assimilés à des espaces « démocratiques » où les barrières hiérarchiques sont effacées, l’ambiance « top cool » masque des charges de travail souvent très lourdes qui laissent peu de place aux séances de babyfoot.
Si « On partage l’aventure ensemble », si dans le new management la hiérarchie est censée être moins pesante, derrière la convivialité apparente, le contrôle et la supervision demeurent. Et l’autonomie se paie parfois très cher… en solitude.

à orange

Ce qu’ont permis les accords

Le télétravail a fait l’objet de deux accords que FOCom a signés, le 22 juin 2009 et le 17 mai 2013. Le télétravail est ouvert à l’ensemble des personnels, y compris les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public. Le dernier accord ne concerne pas les activités nomades, qui, « par leur nature, ne peuvent être réalisées dans les locaux de l’entreprise ». Toutefois, les tâches sédentaires des salariés nomades peuvent aussi être effectuées en télétravail. Celui-ci peut être réalisé depuis le domicile du collaborateur mais également, comme en 2009, dans un centre de travail proposé par l’entreprise, en dehors de son lieu d’affectation. Les télétravailleurs d’unités diverses peuvent être regroupés sur des sites, en dehors de leur centre d’affectation. Ainsi, le collectif de travail n’est pas rompu.

Trois modes d’organisation du télétravail sont prévus

  • le télétravail hebdomadaire : l’avenant au contrat de travail fixe les jours ou demi-journées travaillés ;
  • le télétravail dans le cadre du mois : cette possibilité, qui concerne des salariés dont l’activité ne permet pas de définir a priori et de manière constante les jours de télétravail, prévoit un volume mensuel de jours supérieurs à trois. Dans ce cadre, le nombre de jours ou demi-journées télétravaillés est déterminé au fur et à mesure après échanges entre le salarié et son manager ;
  • le télétravail occasionnel : répond à des situations inhabituelles ou d’urgence. Il ne fait pas l’objet d’un avenant au contrat de travail et le refus du manager doit être notifié par courriel.

teletravail1

Conditions

Comme le veut la loi, le télétravail à Orange est une forme de travail fondé sur un volontariat réciproque, basé sur un rapport de confiance entre le collaborateur et son manager. Il est soumis à un avenant au contrat de travail pour une durée d’un an renouvelable. La négociation a permis d’établir qu’hormis les collaborateurs dont l’activité professionnelle nécessite une présence physique, tous les salariés, cadres comme non-cadres, qui en font la demande peuvent demander à télétravailler. Si le manager a la possibilité de refuser, nous demandons que ce refus soit notifié et justifié par écrit.
Outre le double volontariat, les conditions sont une période d’adaptation de 3 mois et la présence dans les locaux de l’entreprise 2 jours par semaine au minimum (réduit à un jour pour les bénéficiaires d’un des dispositifs TPS/TPA grâce à l’accord intergénérationnel) afin d’éviter le risque d’isolement des télétravailleurs. Le manager s’assure régulièrement, et en particulier lors de l’entretien individuel, que le salarié qui a opté pour le télétravail bénéficie d’une montée en compétences et d’un accompagnement nécessaires à la tenue de son poste de travail.

Mise en œuvre matérielle

L’avenant au contrat de travail fixe des plages horaires dans lesquelles le télétravailleur peut être joignable afin de respecter sa vie privée. L’employeur et les représentants du personnel compétents en matière de santé, d’hygiène et de sécurité au travail ont la possibilité de se rendre sur le lieu de travail du télétravailleur, après l’en avoir informé et en sa présence.
Le télétravailleur s’engage à respecter les règles du groupe en matière de sécurité, en particulier informatique et, notamment de mot de passe. Il doit vérifier auprès de son assureur que le télétravail est compatible avec sa couverture assurance. Il peut demander les conseils en ergonomie auprès de son établissement et peut également demander une visite d’inspection du CHSCT. Outre le matériel informatique mis à sa disposition, le salarié reçoit pour ses frais une somme forfaitaire annuelle de 100 € bruts par an.

Postes et activités compatibles

L’accord pose le principe de l’accès au télétravail, « dès lors qu’il est compatible avec l’exercice des activités par les salariés, de manière autonome ». L’accord ajoute que, « sauf cas exceptionnel, ne peuvent être éligibles les postes et activités qui, par nature, nécessitent d’être exercés dans les locaux de l’entreprise, soit en raison des équipements, soit en raison de la nécessité d’une présence physique face aux clients ». Pour certains métiers, dont il est difficile de mesurer la compatibilité avec le télétravail, l’accord ouvre la voie à des expérimentations. Charge à la commission nationale de suivi de l’accord de les évaluer. Cette commission se réunit au moins une fois par an avec les organisations signataires et doit fournir un rapport annuel précisant le genre, le nombre et la classification des salariés en télétravail.

Le télétravail à Orange en chiffres

Le travail à distance est en pleine expansion avec 5 712 télétravailleurs sur le périmètre Orange SA, soit 6,30 % de l’effectif fin 2015. Le nombre de télétravailleurs a été multiplié par 8 en 6 ans.
Le taux de féminisation des télétravailleurs, de 49 %, est significativement plus élevé que celui de l’effectif global (36,26 %)
Le mode majoritaire est le télétravail hebdomadaire : 77,21 % des télétravailleurs disposent de 1 à 3 jours de télétravail par semaine.
Les formules d’alternance sont respectivement :

  • 1 jour par semaine (31,62 % des télétravailleurs),
  • 2 jours par semaine (29,52 %),
  • 3 jours par semaine (16,07 %).

Le domaine Clients, depuis 2009, reste le secteur d’activité le plus engagé dans le télétravail : 42 % des télétravailleurs sont issus du domaine Clients alors que ce domaine représente 43 % de l’effectif total, 38 % des domaines Technique Réseau et Informatique, ce domaine représentant 39 % de l’effectif total, 20 % des domaines Gestion Support, Contenu et Innovation, ce domaine représentant 14 % de l’effectif total.
Les cadres sont plus naturellement dans une démarche de travail mobile : 70,62 % des télétravailleurs sont des cadres. La pratique du travail mobile, dans ses différentes formes est sans doute plus habituelle chez ce personnel plus fortement équipé en outils de mobilité. Le travail à domicile est le modèle privilégié : 70,01 % ont opté pour le télétravail à domicile et 11,71 % pour le bureau satellite.
43 demandes ont essuyé un refus en 2015 aux motifs d’organisation du service, d’autonomie du salarié et suite à un changement de métier, à l’entrée du télétravailleur en temps libéré du TPS ou en retraite.

Le Système d’Information, un enjeu majeur

La qualité des outils de communication et leur bonne utilisation sont essentielles dans la relation managériale à distance. Il est primordial que les outils de communication et d’interaction ne soient pas détournés de leur usage et n’engendrent pas un sentiment d’intrusion chez les managés à distance. Tous les managers n’utilisent pas ces outils de la même manière, ce qui peut engendrer des incompréhensions voire des frustrations. En outre, un manque de performance de certains outils dégrade la relation managériale à distance. Ainsi, certains outils informatiques apportent peu de valeur ajoutée voire alourdissent le travail : leur manque de convivialité, le défaut d’informations à leur égard ou leur indisponibilité sont des handicaps rédhibitoires. Avant sa refonte totale, le réseau interne Plazza était ainsi dénoncé comme largement inopérant, il était d’ailleurs boudé par le personnel 3.

Le problème du management à distance au sein du Groupe Orange

Au-delà de l’organisation du travail elle-même, qui nous interpelle au premier chef comme syndicat, le travail à distance questionne la relation managériale. L’Institut des Métiers d’Orange a mené une étude avec le cabinet Lentic sur le travail et le management à distance qui identifie 6 enjeux :

  • l’ambivalence de la perception du contrôle par les managés,
  • la remise en cause des présupposés d’usage des outils de coordination à distance et de leur performance,
  • les identités d’appartenance des managers et managés à distance,
  • la gestion des carrières lorsque les collaborateurs sont dans une situation de management à distance,
  • la transmission des données et le partage des connaissances dans une équipe à distance,
  • les styles de leadership et les compétences particulières nécessaires pour manager ou être managé à distance.

La question clef de la confiance

Le travail à distance met au centre l’établissement de la confiance entre les différents niveaux hiérarchiques. De fait le manager n’a plus ses collaborateurs « sous la main » pour vérifier qu’ils « font leurs heures » et qu’ils effectuent correctement les tâches qui leur ont été assignées. L’enjeu principal du management à distance est de créer un collectif efficace, performant, dans lequel chacun puisse trouver sa place et la motivation nécessaire pour accomplir ses missions. Le rôle du manager consiste à faire en sorte que la dispersion des équipes ne soit pas un frein, à ce que chacun soit partie prenante à la vie de l’entreprise, quel que soit le lieu où il est localisé. Il s’agit aussi de faire en sorte que tous les salariés, toutes les équipes d’un même département, bénéficient d’un traitement équitable. Or la distance rend difficile la cohésion, mais également la confiance réciproque entre un manager et ses managés. Et la question de la confiance est susceptible d’influencer les perceptions parfois ambivalentes des managés à l’égard du contrôle qui s’exerce sur leur travail. Lorsqu’ils ont le sentiment que leur manager n’a pas confiance en eux, un contrôle étroit peut être ressenti comme de l’intrusion dans leur sphère d’autonomie et non comme un soutien. Un contrôle faible sera ressenti positivement en relation avec l’autonomie exercée mais peut aussi être perçu comme un signe de désintérêt voire d’abandon de la part du manager.
À Orange le contrôle des managers sur le travail des managés à distance est réalisé sous trois formes : le contrôle par les technologies d’information et de communication (TIC), le contrôle déclaratif et le contrôle sur les résultats.

      • Le contrôle par les technologies de l’information et de la communication permet de réaliser un contrôle de la disponibilité des managés à distance qui peut, dans certains cas, être assimilé à du harcèlement. Ainsi Communicator est parfois dénoncé : moyen de communication à l’origine, il devient outil de surveillance de la disponibilité du salarié à distance. FOCom revendique la limitation des heures de disponibilité du managé à distance. Des plages horaires doivent être identifiées en négociation pendant lesquelles il ne peut être reproché au salarié de ne pas être connecté, ce qui ne signifie nullement qu’il ne travaille pas. Il a besoin, pendant certaines périodes de la journée, de pouvoir travailler en toute sérénité sans être dérangé.
      • Le contrôle déclaratif est basé sur le reporting des tâches effectuées à distance. Les collaborateurs à distance remplissent de façon régulière des rapports d’activités plus ou moins structurés. La multiplication des contrôles administratifs et standardisés, perçue comme pointilleuse et chronophage, tend à détériorer la relation managériale.

graph

    • Le contrôle par les résultats sur la base d’objectifs fixés avec le manager. Un contrôle centré uniquement sur l’atteinte d’objectifs quantitatifs présente des inconvénients majeurs. Il est souvent ressenti comme un manque de soutien par les managés qui souhaitent davantage d’encadrement de type qualitatif, notamment en amont des résultats obtenus.

Et comme le disait Jean-Paul Sartre : « la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ».

FERMER