Sans Frontières

Espagne : chasse aux heures sup’ non payées

Un nouveau décret impose aux entreprises de tenir compte des horaires réels de tous leurs salariés. Elles ont l’obligation de tenir un registre de leurs entrées et sorties, registre qui devra être mis à la disposition des représentants du personnel comme de l’inspection du travail. Il s’agit, selon les auteurs du décret, de certifier le temps de travail réel et de détecter les heures exécutées en plus du cadre contractuel.
La dernière enquête de population active détecte en effet qu’au premier trimestre 2019, les salariés espagnols ont effectué plus de 5,6 millions d’heures supplémentaires chaque semaine, dont 46 % ne sont pas payées et ne cotisent donc pas aux caisses de l’État.
Les syndicats applaudissent cette mesure qui aide à en finir avec le « travail gratis ». Depuis des années en effet, ils dénoncent le recours à des emplois à faux temps partiel qui correspondent, de fait, à des temps complets. Mais ils restent critiques sur le régime de sanctions peu élevé, avec des amendes allant de 626 euros à 6 250 euros, et le manque de précision du nouveau cadre légal. Du côté des employeurs, c’est moins le coût des éventuelles amendes qui inquiète que les nouveaux enjeux en matière de négociation collective. En mettant noir sur blanc la réalité horaire, ils savent qu’ils s’exposent à de nouvelles revendications de syndicats pour revoir les politiques d’embauche et les grilles salariales.

La sécurité et la santé au travail : un défi d’actualité

En 2017, 2,4 millions de travailleurs ont perdu la vie dans le monde du fait de maladies professionnelles et 380 000 après un accident du travail. Soit un total de 2,78 millions de décès, contre 2,33 millions en 2014. De plus, 374 millions ont été victimes de maladies ou d’accidents non mortels, selon l’Organisation internationale du travail (rapport d’avril 2019).
Les facteurs de risque anciens et bien connus (ergonomie, bruit, exposition à des matières dangereuses) se poursuivent à grande échelle. Sur les dix-huit expositions mesurées en 2016 par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), seule l’exposition à l’amiante a reculé depuis 1990, toutes les autres ayant progressé, de près de 7 % en moyenne. Les maladies non transmissibles, notamment les maladies circulatoires et respiratoires, ainsi que les cancers, sont en augmentation.
En France, le nombre de cancers professionnels a ainsi plus que triplé en vingt ans, passant de 540 cas reconnus en 1998 à 1 940 en 2017.
De plus, de nouveaux facteurs de risque sont apparus, comme la numérisation du travail et la flexibilisation de son organisation, qui contribuent à ce que la durée du travail soit aujourd’hui excessive (plus de 48 heures hebdomadaires) pour 36 % de la population active mondiale. Les risques psychosociaux, le stress lié au travail sont un motif d’inquiétude croissant. La mondialisation de l’économie a créé des chaînes d’approvisionnement dans lesquelles, de sous-traitant en sous-traitant, se dilue la responsabilité des donneurs d’ordre. Les changements démographiques sont aussi importants car les jeunes travailleurs ont des taux de blessures professionnelles significativement plus élevés, alors que les travailleurs plus âgés ont besoin de pratiques et d’équipement leur permettant de s’adapter pour travailler en sécurité. Le changement climatique augmente les risques d’exposition à la pollution atmosphérique, au stress thermique et aux maladies émergentes.

L’OIT fête ses 100 ans !

Depuis la création de l’Organisation Internationale du Travail, le nombre de ses membres ne cesse de croître. Les normes qu’elle produit sont universellement connues, référencées et appliquées. L’OIT contribue à sensibiliser l’opinion à la dimension sociale de l’organisation de l’économie, des échanges et des politiques, ainsi qu’aux dimensions environnementales et climatiques.
L’objectif de la justice sociale demeure un objectif à atteindre. Malgré les avertissements répétés de l’OIT, les États ont choisi de poursuivre les mêmes politiques d’austérité menant à des inégalités sans précédent et à une financiarisation de l’économie au détriment de l’humain. Or, ce qui devient capital à l’aube du centenaire de l’OIT, c’est de renverser le cours pris par la mondialisation afin que la dimension sociale ait la primauté.
De nombreux défis se posent encore aujourd’hui et beaucoup d’entre eux restent à relever, que ce soit en matière de limitation du temps de travail, d’interdiction du travail forcé et du travail des enfants, d’un dialogue social fondé sur la liberté syndicale et la négociation collective ainsi que l’universalité du concept de travail décent!
Remettre le social au cœur des politiques pose, en premier lieu, la question de la cohérence entre les politiques économiques, budgétaires, monétaires et commerciales, tant au niveau national qu’international. Les États doivent faire en sorte que l’OIT soit reconnue comme chef de file de la cohérence sociale. En 2009, à la veille du 90e anniversaire de l’OIT, la France appelait cette dernière à réguler la mondialisation, affirmant que l’OIT avait son mot à dire au niveau de l’OMC, du FMI et de la Banque Mondiale…
FO considère que l’OIT doit être reconnue et considérée comme leader incontesté et incontestable afin d’évaluer et suivre la responsabilité des entreprises de respecter le droit du travail. D’autant plus qu’il devient urgent de redonner sa pleine place à l’économie réelle, assurant le droit au plein-emploi, dirigée vers les besoins des populations et intégrant les dimensions environnementales et sociales et prenant en compte l’impact de la numérisation de l’économie et de nouvelles formes de relations de travail.
« OIT 100 »
L’OIT est créée au sortir de la Première Guerre Mondiale sous l’égide du Traité de Versailles. C’est l’unique institution internationale tripartite rassemblant des représentants de gouvernements, d’employeurs et de travailleurs au sein de ses organes exécutifs. En 1946, l’OIT devient une institution spécialisée des Nations Unies et obtient le Prix Nobel de la paix en 1969.
Les fondateurs de l’OIT ont mesuré l’importance de la justice sociale pour assurer la paix alors que les travailleurs étaient exploités dans les nations industrielles de l’époque. Avec la prise de conscience de l’interdépendance économique du monde, est apparue la nécessité de coopérer pour offrir des conditions de travail similaires dans les pays en concurrence sur les mêmes marchés.
L’OIT a été partie prenante de l’histoire du siècle écoulé : la grande dépression, la Deuxième Guerre mondiale, l’émancipation des pays colonisés, la Guerre froide et la victoire sur l’apartheid en Afrique du sud.
Aujourd’hui encore, au moment où une vision libérale réduisant la question sociale à une variable d’ajustement se répand dans tous les pays du monde, la pertinence et le rôle de l’OIT sont plus que jamais prépondérants.

BELGIQUE : franc succès de la grève générale

Cette grève générale du 13 février contre notamment, la modération salariale, a été fortement suivie, aussi bien en Flandre qu’en Wallonie, dans le secteur public comme dans le privé. Dans le textile, la métallurgie, la chimie, le commerce, le bâtiment… Les salariés d’au moins six cents entreprises ont massivement débrayé, comme à Gand où seulement une trentaine des 6 000 travailleurs de Volvo Car ont embauché. L’appel, lancé par les trois confédérations syndicales belges, la FGTB (socialiste), la CSC (chrétienne) et la CGSLB (libérale), faisait suite à l’échec des négociations salariales pour 2019 et 2020, le patronat refusant d’aller au-delà de 0,8 % d’augmentation. Ils réclament une hausse des salaires, une hausse des allocations et pensions, ainsi que de meilleures conditions de fin de carrière.
Depuis la loi de 1996 relative à la promotion de l’emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité, les augmentations de salaires du secteur privé (et des entreprises économiques publiques depuis 2015) ne peuvent dépasser une limite fixée tous les deux ans. De plus, depuis 2017 il n’est plus tenu compte des diminutions des cotisations sociales des employeurs pour calculer la marge d’augmentation considérée comme possible. Les organisations syndicales ont annoncé de nouvelles actions d’ici les élections des 150 députés de la Chambre des représentants, fin mai.

PORTUGAL, la colère monte…

Le 15 février, 80% en moyenne des fonctionnaires portugais étaient en grève pour une augmentation de leur salaire, à l’appel des deux principales organisations syndicales du pays, la CGTP et l’UGTP. Cette grève s’est inscrite dans un contexte social général déjà très agité, marqué notamment par une grève entamée le 31 janvier à l’appel de deux syndicats d’infirmiers, revendiquant eux aussi des augmentations, mais aussi par une multiplication des grèves dans le secteur privé. Pourtant, le gouvernement socialiste élu en 2015 a progressivement relevé le salaire minimum du secteur privé de 530€à son arrivée au pouvoir à 600€ brut (sur 14 mois) à compter du 1er janvier 2019. Mais le loyer mensuel moyen pour un logement d’une pièce à Lisbonne ou à Porto avoisine les 850€.
Le 1er janvier également, le salaire minimum de la fonction publique a été augmenté en une seule fois, de 580€ à 635€. Mais cette hausse concerne à peine 10 % des 665000 fonctionnaires du pays. Le gouvernement d’Antonio Costa a également rétabli les 35 heures dans la fonction publique (au lieu des 40 heures imposées par la Troïka en 2011) et embauché 20000 fonctionnaires dans l’éducation, la santé et la justice. Mais 110000 postes avaient été supprimés par le précédent gouvernement…
De plus, le gouvernement actuel, non content de n’être pas revenu sur la loi Travail de son prédécesseur (qui a facilité les licenciements), a pour projet de déréglementer plus encore le droit du travail avec une nouvelle réforme qui autoriserait les entreprises à payer un quota d’heures supplémentaires au tarif des heures normales.
Et si le taux de chômage officiel est descendu à 6,7% en 2018, contre 18% de 2011 à 2014, en réalité environ 30% des salariés sont sous contrats précaires. Le taux grimpe à plus de 41% parmi les moins de 35 ans et à 66% pour les moins de 25 ans