Sans Frontières

INTERVIEW Une vraie réponse sociale à la 4e révolution industrielle

jennings

Appel de Philip Jennings, Secrétaire général d’UNI Global Union, aux dirigeants rassemblés à Davos en janvier 2016

« Nous constatons que les inégalités atteignent des niveaux record, et si l’on permet à cette culture de l’excès de prospérer, les gagnants de la 4e révolution industrielle ne représenteront que 1 % de la population. »
« Les dirigeants réunis à Davos doivent relever les défis présentés par la 4e révolution industrielle. Nous traversons une période de profonds progrès technologiques. Nous avons d’importants choix à faire. Allons-nous poursuivre sur la voie d’un capitalisme numérique débridé où la création de richesse est détournée par une petite minorité, ou bien aspirons-nous à une période de transition juste visant à créer un système durable basé sur l’inclusion économique ? »
« Comme pour les défis des changements climatiques, nous devons nous adapter, atténuer et rechercher une transition juste pour les travailleurs afin de créer un avenir durable. La transition juste est une autre manière de réclamer la solidarité. La solidarité peut sembler démodée, mais c’est un concept qui n’a jamais perdu de sa pertinence. Le mouvement syndical ne cherche pas à mettre des bâtons dans les roues de la nouvelle révolution numérique. Nous élaborons un manifeste pour que personne ne soit laissé pour compte. »

P. Jennings estime que les plateformes politiques permettant une transition juste à l’ère du numérique doivent comporter des emplois de qualité, l’amélioration des compétences, l’inclusion sociale et des institutions plus fortes sur le marché du travail.
« Pour parvenir à une transition juste, les entreprises numériques telles que Uber ou Amazon doivent accepter que les normes du travail s’appliquent à elles aussi bien qu’aux entreprises qui existent depuis longtemps.
Il incombe également aux gouvernements de veiller à mettre en place des politiques garantissant que les entreprises soient correctement réglementées. Nous devons créer un avenir où les travailleurs et leurs familles n’assument pas l’intégralité des risques, et où existe un filet de sécurité sociale allant de la formation aux garanties de ressources en passant par les assurances sociales. La 4e révolution industrielle ne doit pas servir de prétexte pour faire fi des droits humains et des droits des travailleurs conquis ces cent dernières années. »
« Ne nous leurrons pas : nous ne parlons pas là d’un avenir lointain. Les marchés du travail actuels sont mis à mal par le secteur financier mal réglementé et par la révolution technologique. L’homme de Davos a raison d’être inquiet, la Royal Bank of Scotland met en garde contre l’imminence d’une année cataclysmique, et certains indices montrent que nous pourrions connaître un nouveau krach financier : tout cela signifie que nous ne devons pas donner carte blanche au secteur financier pour gérer les implications de la nouvelle révolution numérique. »

La bombe à retardement du chômage selon l’Organisation internationale du travail.

logo_oitLe rapport « Perspectives pour l’emploi et le social dans le monde » de l’ Organisation internationale du travail (OIT) dresse un bilan inquiétant du chômage mondial. Ce rapport comptabilise 2,3 millions de chômeurs en plus en 2015 alors que plus de 200 millions de personnes étaient au chômage en 2014 ! Les jeunes continuent d’être touchés de manière disproportionnée par la montée du chômage. Près de 74 millions d’entre eux (âgés de 15 à 24 ans) étaient à la recherche d’un emploi en 2014. Le taux de chômage des jeunes est trois fois supérieur à celui des adultes et ce, malgré l’amélioration de leur niveau d’instruction, ce qui ne fait qu’alimenter le malaise social.
« La pénurie d’emplois décents pousse les gens à se tourner vers l’emploi informel qui se caractérise par une faible productivité, une maigre rémunération et aucune protection sociale » explique Guy Rider, directeur général de l’OIT. Même dans certains pays occidentaux où le chômage est annoncé en baisse, le sous-emploi augmente : travail temporaire ou à temps partiel subi, taux d’activité faible, surtout chez les femmes et les jeunes.
La précarisation de ces emplois progresse et atteint 46 % de l’emploi total. Avec le creusement des inégalités et la baisse de la part salariale, le risque de troubles sociaux s’accroît, en particulier dans les régions où le chômage des jeunes est élevé. Pour désamorcer cette bombe à retardement « il faut absolument renforcer les politiques en matière d’emploi et commencer à réduire les inégalités », dit Guy Rider. Même dans les économies avancées où les inégalités ont toujours été moindres que dans les pays en développement, les inégalités de revenus se sont creusées rapidement après la crise de 2008 pour atteindre parfois même les niveaux observés dans certaines économies émergentes. Les emplois destinés aux travailleurs moyennement qualifiés déclinent et on constate une augmentation de la demande des postes situés aux deux extrémités de l’échelle des qualifications, à savoir les moins qualifiés et les plus qualifiés. Ainsi, les travailleurs relativement bien formés sont désormais contraints de briguer des postes faiblement qualifiés. Cette nouvelle donne a participé à l’aggravation des inégalités de revenus enregistrées ces deux dernières décennies. L’augmentation des inégalités sape également la confiance dans de nombreux gouvernements. L’OIT insiste une fois de plus sur la nécessité d’effectuer une réforme financière qui relance l’économie, amenant les banques à favoriser les investissements dans les infrastructures et le développement des emplois durables.

Plan de départs chez Orange Espagne : FO Com s’indigne

drapeau_espagneSuite à la fusion d’Orange Espagne et de Jazztel, la Direction du Groupe a annoncé un plan « d’ajustement » et de « départs volontaires » concernant 550 personnes.
Des négociations se sont ouvertes avec les syndicats espagnols le 10 février afin de fixer les conditions de départ (préretraites, indemnités de départ…). Ces négociations devraient durer un mois en conformité avec les lois espagnoles. La Direction d’Orange s’était engagée lors du Comité Groupe Monde de juin 2015 à ce que l’impact de la fusion sur l’emploi soit résiduel. Malgré l’embauche en parallèle de 300 personnes sur d’autres sites, avec un taux de chômage de 21 % en Espagne, la situation des 550 personnes concernées n’a rien de « résiduelle ». Le Groupe publie des résultats en hausse constante, obtenus grâce à l’implication de tous ses personnels. FOCom réitère son exigence : les consolidations, rachats et réorganisations doivent se réaliser sans aucune casse sociale. FOCom exprime sa solidarité avec les collègues espagnols et s’associe à eux pour que les négociations en cours aboutissent à des solutions dignes satisfaisant l’ensemble des salariés concernés. n

Aux États-Unis, justifier le licenciement fait baisser le chômage

drapeau_usaDans un article publié le 8 février dans The Conversation, Philippe Pradal, chargé de cours en droit à Sciences Po, avocat à New York et à Paris, combat l’idée selon laquelle « c’est en fluidifiant le marché du travail que les chômeurs retrouveront du travail ».
Cette « logique libérale » se traduit en France aussi bien par la volonté du Medef de supprimer toute justification du licenciement que par la mise en place dans la future loi travail d’un plafonnement des indemnités pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse. Le juriste prend l’exemple du Montana, le seul État des États-Unis à avoir adopté, dès 1987, une législation exigeant de justifier le licenciement. Il constate que le taux de chômage (4 % fin 2015) y est inférieur à la moyenne nationale (5 %). Selon une étude réalisée par des économistes américains, l’adoption de cette loi a permis de faire baisser le chômage de 0,46 point. Philippe Pradal rappelle aussi que dans l’ensemble des États, tous les licenciements, justifiés ou non, peuvent être jugés illégaux, notamment lorsqu’ils sont « discriminatoires ou contraires à une règle d’ordre public ».
« L’absence de règles écrites encadrant le motif de licenciement renforce l’aléa judiciaire, avec un effet négatif sur l’emploi, conclut-il. L’exigence d’un motif personnel ou économique – dont les contours sont bien précisés par le code et plusieurs décennies de jurisprudence – n’est donc pas de nature à augmenter le coût du travail, mais plutôt à offrir de la sécurité juridique pour les deux parties au contrat de travail. »