Dossier

Pouvoir d’achat, précarité et pauvreté

La crise de la COVID a porté un coup de projecteur sur l’importance de la précarité, en France comme ailleurs. En mettant en évidence la nécessité des droits sociaux, elle a aussi permis une prise de conscience plus généralisée de l’inégalité d’accès aux droits dans notre société. Il en est ainsi du droit à une juste rémunération, du droit au logement, du droit à une couverture sociale digne.
L’augmentation du pouvoir d’achat des salariés, des fonctionnaires, chômeurs et retraités passe par les mesures pérennes que sont les augmentations de salaires, du point d’indice, des retraites, pensions et minimas sociaux. Verser un chèque aux ménages les plus vulnérables, organiser un bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, majorer de 100 euros la prime d’activité, créer une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, mesures outrageusement médiatisées, ne font que rendre le revenu global des ménages encore plus dépendant du seul soutien volontaire de l’État. En exonérant les entreprises de leur responsabilité d’employeur, en les dispensant du processus de négociation salariale, en permettant au capital de fructifier tranquillement, à l’abri de toutes exigences sociales, cette politique aggrave les inégalités. Elle désarme le rapport de force entre salariés et employeurs et les possibilités de négociations sur les rémunérations.
En définitive, elle procure une aide indirecte à l’investissement, voire à l’augmentation des dividendes. En termes de pouvoir d’achat, il nous faut des réponses durables et structurelles.

Reconnaître la valeur travail ? Entre cynisme et surdité

Aujourd’hui, refuser d’augmenter les salaires est inadmissible, injustifiable alors que les entreprises du CAC 40 engrangent des profits records, alors que l’inflation, annoncée comme temporaire, se pérennise, alors que la spéculation sur l’immobilier constitue une négation rédhibitoire du droit au logement décent, alors que la politique d’exonération des cotisations patronales torpille la protection sociale !
Ce refus de la hausse des salaires est d’autant plus inacceptable quand on se souvient des propos tenus par les hommes politiques au pire de la crise sanitaire. Ils y vantaient l’exemplarité des salariés exerçant des métiers des première et seconde lignes ! Des paroles prononcées aux moments les plus critiques mais vite oubliées. Les salariés ne revendiquent pas une simple reconnaissance de la valeur marchande de leur travail, ils exigent de ne plus être exploités. Faut-il parler de cette infirmière ou aide soignante qui commence avant l’heure, termine après l’heure et hésite à se restaurer au moment du déjeuner ? Doit-on rappeler l’ampleur des dépassements horaires quotidiens de nombreux postiers ou agents de services publics ? Et qu’en est-il de cette charge de travail surdimensionnée qui exige plus que le nombre d’heures réglementaire pour être absorbée ? Il serait intéressant de convertir l’ensemble de ces heures non payées en journées de grève…
La question essentielle est : jusqu’à quand les revendications salariales peuvent-elles encore être ignorées après des décennies d’inégalité, au profit du capital, sans partage de la valeur ajoutée liée à la productivité ? Il y a urgence d’en instaurer une répartition plus équitable.
La détermination des travailleurs à faire aboutir leurs revendications salariales reste encore trop parcellaire et, il convient de le souligner, si quelques augmentations à hauteur de 4 % ont été obtenues, dans leur grande majorité, les propositions patronales se révèlent dérisoires. Il en est ainsi du secteur bancaire : après une diète de plusieurs années, celui-ci se contente de proposer une hausse minimale, entre 0,6 % et 1 %, alors que, dans le même temps, les tarifs bancaires continuent leur hausse (près du double en dix ans) et que, par exemple, BNP/Paribas engrange un bénéfice record de 9,5 milliards en 2021.

Le principe contributif est rompu

Côté Fonction Publique, le gouvernement refuse toujours le dégel du point d’indice et se limite à des mesurettes sur les plus bas salaires. Dans le même temps, il tente de faire passer pour une mesure salariale la participation, à hauteur de 50 %, de l’employeur public dans le financement de la protection sociale complémentaire. Ainsi, les pertes de pouvoir d’achat pour les fonctionnaires continuent de s’accumuler et avoisinent, depuis 2000, les 20 %. Nous sommes toujours bien loin d’une réelle revalorisation des grilles indiciaires et des carrières. Malgré l’opposition farouche de Force Ouvrière, bien seule dans ce combat, la contractualisation des emplois se poursuit et le statut continue d’être malmené.
Parallèlement, le salaire différé des travailleurs continue d’être pillé via un marché du travail tiré vers le bas et la diminution des cotisations patronales sur les petits salaires. Cette politique d’allègement ciblée encourage les emplois de faible qualification, de faible salaire. Du coup, cette frange d’emplois ne contribue presque plus au financement de la protection sociale. Cette politique du travail au rabais génère des emplois précaires et bénéficie aux mauvais employeurs. En pérennisant les emplois « low cost », elle installe un climat d’austérité qui permet de désarmer les exigences salariales. Cela engendre une déperdition des « recettes sociales » qui fragilise gravement la protection sociale de demain. En exonérant les entreprises du versement du salaire différé, les gouvernements successifs opèrent, par anticipation, une ponction sur les revenus à percevoir en cas de « coup dur » !

Cette stratégie souffle aussi aux entreprises qu’un smicard doit rester un smicard. Il n’y a plus, pour les classes modestes, d’ascenseur social. Côté patronat, il vaut mieux un haut turn-over sur cette catégorie d’emploi qu’une perspective de carrière ascendante. Les stagnations de carrière sont institutionnalisées.
Côté retraités, le pouvoir d’achat continue de payer un lourd tribut à la politique gouvernementale. Les revalorisations minimalistes des pensions et la hausse des prélèvements sociaux de 2009 à 2019 aboutissent à réduire, en moyenne de 0,4 % par an, le pouvoir d’achat des pensionnés de la plupart des régimes de base et complémentaires. En recul, la pension moyenne des retraités, en France, s’élève à 1 393 euros nets par mois. Encore convient-il de nuancer puisqu’un retraité sur trois ne dispose pas de 1 000 euros bruts mensuels et que quatre retraités sur dix survivent avec le minimum de pension de 713,12 euros.
De son côté, l’Union Confédérale des Retraités Force Ouvrière évalue leur perte de pouvoir d’achat à 20 % en douze ans, d’où la revendication d’une hausse immédiate de 100 euros par mois et l’indexation des pensions sur l’évolution des salaires.

emploi

En novembre 2021, l’Insee a constaté l’étendue de la paupérisation des Français, qui concerne 9,3 millions de personnes.
Un tiers des familles monoparentales (25 % des familles) sont sous le seuil de pauvreté.
En cause ? Le temps nécessaire pour s’occuper des enfants est difficilement conciliable avec un emploi du temps professionnel. Les jeunes sont particulièrement touchés par les difficultés financières, la crise sanitaire ayant mis en lumière la précarité étudiante, perdurant malgré les diverses aides. Les emplois instables sont également un facteur pouvant faire basculer la situation de nombreux travailleurs. Les femmes, les personnes nées à l’étranger et les jeunes sont particulièrement concernés car ils occupent plus fréquemment des emplois non qualifiés, instables ou à temps partiel.

En 2019, il a été établi que la France avait 2 millions de travailleurs pauvres.
Mais plusieurs voix se sont élevées, dont un collectif d’associations reconnues de lutte contre la précarité (Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde, Secours Catholique, ATD Quart-Monde, Emmaüs…) ainsi que le Centre d’observation de la société, pour contester cette donnée, en y ajoutant a minima 1,6 million de français supplémentaire, puisque certaines personnes seraient « hors radar », comme les personnes sans domicile, les travailleurs en foyers, les Français d’Outre-mer, etc.

En France, dans ce pays parmi les plus riches du monde, on compte plus de 9 millions de pauvres. Le seuil de pauvreté correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, soit un revenu disponible de 1 102 euros par mois pour une personne vivant seule et de 2 314 euros pour un couple avec deux enfants âgés de moins de 14 ans. Aujourd’hui, 2,3 millions de personnes vivent avec moins de 763 euros par mois (observatoire des inégalités – octobre 2021).

Enfin, notons que l’indice des prix à la consommation prend très imparfaitement en compte les effets du coût du logement alors que, depuis plusieurs décennies, celui-ci, avec le patrimoine, est un marqueur des inégalités sociales et que le fossé se creuse. En cinq ans, si l’on cumule les multiples baisses de l’Aide Personnalisée au Logement (APL), les ponctions financières et les réductions de financement, ce sont plus de 15 milliards d’euros d’économisés au détriment du logement des plus faibles financièrement. Avec la baisse des APL, le maintien d’un faible montant du RSA et la récente réforme de l’assurance-chômage, l’État ne prend pas la bonne direction et ne lutte pas suffisamment contre trois déterminants de la pauvreté : la relation à l’emploi, au salaire et au logement.

Tout cela, hélas, n’est pas exhaustif et démontre, à l’évidence que, quelle que soit l’idéologie qui prévaut ou prévaudra dans ce pays, plus que jamais le combat syndical est aujourd’hui nécessaire et sera déterminant dans l’avenir.

logement

Quant au mal-logement, le nombre de personnes sans domicile et de demande pour des logements sociaux a grimpé significativement.
Depuis 2015, la demande de logement social progresse cinq fois plus vite que le nombre de ménages et deux fois plus vite que le nombre de logements sociaux. L’investissement public dans la construction de logements a pour sa part reculé, revenant en moyenne de 1,7 % du PIB en 2001 à 0,06 % en 2018 dans les pays développés. L’OCDE de son côté a fait paraître un rapport en 2021 stipulant que l’accès à un logement abordable devient de « plus en plus difficile ».

Au cours de la décennie 2005-2015, le poids du logement dans les dépenses des ménages a subi une hausse d’environ 20 %. Avec la crise économique et le risque tant pour l’emploi que pour les salaires, ce poste de dépenses contraintes, risque de précariser un peu plus la situation des moins favorisés et ainsi d’affecter un peu plus leur capacité sur les autres postes de dépenses, dont l’alimentation. Pour être à la hauteur, l’État doit apporter un soutien bien plus massif, sur les deux piliers de la politique du logement que sont les aides personnelles et les aides à la pierre.

Pour Force Ouvrière, les aides personnelles doivent non seulement être revalorisées mais leurs conditions d’éligibilité élargies, et les aides à la pierre renforcées afin de soutenir les bailleurs sociaux et les pouvoirs locaux dans leur effort de production.

Orange

Pour une politique sociale digne !

À l’heure où le coût de la vie ne cesse d’augmenter, le pouvoir d’achat cristallise toutes les inquiétudes et les mécontentements. Selon l’Insee, 2022 sera marquée par une inflation toujours forte, globalement autour de 2,6 % sur les six prochains mois. Le contexte social et économique, les augmentations des tarifs de l’énergie et des carburants, des produits de première nécessité et de l’alimentation entraînent une érosion de notre pouvoir d’achat.
Les inégalités se creusent et la crise s’avère une aubaine pour les milliardaires « principalement en raison de l’argent public versé sans condition par les gouvernements et les banques centrales dont ils ont pu profiter grâce à une montée en flèche des cours des actions ». Ainsi, la fortune des milliardaires dans le monde a plus augmenté en 19 mois de crise sanitaire qu’au cours de la dernière décennie. Dans le même temps, 160 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté.

Qu’en est-il chez Orange ?

L’année 2021 a été particulièrement dynamique pour les opérateurs télécoms : forte augmentation des ventes de terminaux mobiles, dynamisme de l’offre B to B. Le revenu des services à haut et très haut débit continue de croître à un rythme soutenu.
Dans un marché français des télécoms où le niveau de croissance au troisième trimestre 2021 est proche de celui de 2019, le Groupe se targue de performances commerciales soutenues pour Orange France avec des résultats financiers solides. Dans ce contexte d’enrichissement pour l’entreprise avec une capacité de distribution des dividendes maintenue, FO Com considère que les salariés doivent récolter les fruits de leur travail et de leur implication professionnelle. En effet, les prix à la consommation ont augmenté de 2,8 % en 2021 mais Orange n’a attribué que 0,9 % d’augmentation salariale moyenne.

FO Com a toujours défendu l’augmentation du Salaire Global de Base (SGB), partie fixe de la rémunération, et face à l’envolée de l’inflation, a exigé la mise en œuvre d’une mesure salariale de rattrapage pour 2021. Cela s’est traduit par l’octroi d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat de 200 euros net pour les plus démunis.
Le compte n’y est pas ! « La formidable mobilisation de salariés » selon le PDG d’Orange « qui sont engagés et attachés à leur entreprise » selon la Directrice Orange France, ne sera aucunement récompensée en 2021 par la redistribution pourtant légitime de la richesse produite.

FOCom exige des augmentations salariales qui compensent l’augmentation constatée des prix et anticipent l’inflation à venir.

À l’aube de l’ouverture de la Négociation Annuelle Obligatoire 2022, nous attendons de la nouvelle gouvernance d’Orange un engagement social fort et un premier signal de reconnaissance pour l’ensemble des salariés afin de garantir le maintien, a minima, du pouvoir d’achat des personnels.
L’entreprise en a les moyens, il faut juste qu’elle en ait la volonté. Dans un contexte de transformations organisationnelles et structurelles de grande ampleur, Orange doit s’engager dans une politique sociale et de rémunération, responsable et transparente à la hauteur de ses ambitions.

Orange – FOCom dénonce la dégradation des conditions de travail

Dans le cadre du plan stratégique Engage 2025, les transformations organisationnelles, immobilières et structurelles s’intensifient dans le Groupe Orange.
Cette trajectoire est engagée déjà depuis plusieurs années et s’accompagne de plans successifs d’économies avec une déflation constante des effectifs, puisque l’entreprise a supprimé plus de 40 % d’emplois depuis 2012.
Ainsi, le programme d’économies Scale UP d’1 milliard d’euros à l’horizon 2023 exige une lourde contribution de la part des salariés, ce qui est inacceptable.
Départs non remplacés, embauches insuffisantes, complexification et intensification du travail, optimisation de l’immobilier impactent la charge de travail de manière critique et sont sources de risques psychosociaux qui peuvent aller jusqu’au burn-out.

Stress, un constat alarmant

Le Comité National de Prévention du Stress pilote les enquêtes triennales sur le stress et les conditions de travail mises en œuvre suite à la « crise sociale » résultant du Plan Next et dont l’objectif était le départ de 22 000 salariés. Il s’agit d’un outil de diagnostic et un point d’appui considérable pour obtenir des mesures correctives et de nouvelles avancées afin d’améliorer les conditions de vie et de travail. Les résultats de l’enquête sur la période 2016 – 2019 sont édifiants et confortent nos dénonciations de la dégradation des conditions de travail; conséquence mécanique de la fonte des effectifs. La direction évalue qu’il y aura encore environ 7 480 Équivalent Temps Plein CDI (ETPCDI) en moins d’ici 2023, ce qui génère une forte pression sur les salariés restants et sur les services qui sont en flux tendus. À cela s’ajoutent des objectifs et des efforts d’adaptation toujours plus exigeants. 57 % des salariés d’Orange interrogés considéraient qu’ils n’étaient pas assez nombreux pour le travail à effectuer et 41 % déclaraient une quantité de travail excessive, avec un score catastrophique de 85 % pour les Agences Entreprises. L’activité PRO PME se révélait être également l’activité la plus touchée par la complexité du travail. L’entreprise accélère la transformation de la Relation Client en misant sur le développement du digital et la simplification des outils. Or, la digitalisation des pratiques de travail ne doit pas être synonyme de recul social. Nous militons pour obtenir des moyens afin d’assurer une formation de qualité et un accompagnement solide à la hauteur des ambitions de transformation du Groupe. La montée en compétence doit être accessible à tous afin de fournir aux personnels les outils nécessaires pour s’adapter à un environnement de travail en constante évolution et aux nouvelles exigences des métiers de demain.

Vigilance également sur le développement du télétravail. Même s’il apporte des avantages, notamment en gain de temps de trajet, le télétravail comporte également des risques professionnels, amplifiés par l’éloignement et l’isolement. Appréhender l’évaluation et la régulation de la charge de travail devient plus complexe. Télétravailler signifie qu’on ne quitte jamais vraiment son espace de travail et le risque est grand de connaître des difficultés pour séparer vie professionnelle et vie privée, avec la tendance identifiée à rester connecté en permanence. Une étude de l’institut Sapiens évalue à 22 % les gains de productivité à court terme tout en mettant en exergue les effets négatifs à long terme sur la motivation et le collectif de travail. Avec la généralisation du télétravail, il est essentiel d’identifier les risques et de mettre en œuvre des mesures de prévention spécifiques, et nous y veillons.

Le réseau de distribution Orange en péril

Côté réseau de distribution Orange, le démantèlement se poursuit au profit de la filiale Générale De Téléphone (298 boutiques Agence Distribution en 2021 contre 343 en 2019, 220 boutiques Générale De Téléphone (GDT) en 2021 versus 196 en 2019), ce qui participe à la dégradation des conditions de travail dans les boutiques Orange. L’un des projets phares du programme de la Relation Client Grand Public est la généralisation de l’organisation de RDV. Cette nouvelle organisation ne permet en aucun cas de répondre aux difficultés structurelles en matière de recrutement et alourdit encore la charge de travail des personnels. Nous réaffirmons notre exigence de conserver l’ensemble de nos activités et nous contestons le transfert de nos boutiques à la GDT dont la convention collective, les salaires et parts variables sont moins-disants.

Le domaine intervention touché au cœur

Le domaine de l’intervention est loin d’être épargné. En 2021, l’entreprise devra à la fois délivrer des réseaux de la meilleure qualité possible, et apprendre à travailler en tant que Fournisseur d’Accès Internet (FAI) avec les prestataires sur les territoires où nous n’avons pas de réseau (zone RIP : Réseau d’Initiative Publique porté par les collectivités territoriales). Or, les effectifs du domaine intervention diminuent drastiquement (- 4,8 %) et les recrutements pour la maintenance de la boucle locale cuivre ne suffisent pas à permettre un fonctionnement normal. Nous n’avons de cesse de dénoncer le recours accru à la sous-traitance qui génère une non-qualité récurrente dont le traitement se fait en interne. Il est crucial de conserver les compétences du personnel Orange et de (ré)internaliser les activités stratégiques ou sensibles.

Pour une politique sociale ambitieuse

Face à l’explosion de la charge de travail, FOCom a une nouvelle fois alerté la direction en CPRPPST (Commission de Prévention des Risques Professionnels et de Promotion de la Santé au Travail). L’entreprise doit prendre conscience que les personnels ne sont pas tous en capacité d’absorber à un rythme effréné plusieurs transformations simultanées (changement de métier, mobilité géographique et/ou fonctionnelle, nouveaux environnements de travail, nouvelles méthodes de travail…).

Nous exigeons de l’entreprise qu’elle recrute massivement et a minima que tous les départs soient remplacés. Des plans d’actions efficaces sont indispensables pour accompagner et former les salariés, réguler la charge de travail, simplifier les procédures, favoriser la coopération et développer l’autonomie. Et parce qu’il ne peut y avoir de performance économique sans performance sociale, Orange doit viser une politique sociale ambitieuse, condition sine qua non pour faire face aux objectifs et aux enjeux stratégiques de demain.

Quand la jeunesse entre en mouvement

Au centre de tous les enjeux et bien souvent en première ligne dès qu’une crise éclate, la jeunesse n’a certainement pas dit son dernier mot. Actuellement dans le monde, il y a plus d’un milliard de personnes dans la tranche d’âge comprises entre 18 et 35 ans.
Dans toute l’histoire, c’est le groupe le plus nombreux à faire la transition vers l’âge adulte.
Aujourd’hui où les dangers écologiques, démocratiques et sociaux se font plus urgents que jamais, quel rôle joueront-ils dans les évolutions nécessaires à la société ?

Qu’est-ce qui les fait « bouger » ?

Pas moins de 72 % des 18-24 ans se considèrent comme engagés – dont 17 % « très engagés », contre seulement 55 % des plus 65 ans, selon une étude réalisée par l’institut BVA. Ces résultats viennent relativiser certains propos décrivant les jeunes comme massivement désengagés ou indifférents à ce qui les entoure. Parmi les causes à défendre, on retrouve d’une consultation à l’autre le triptyque liberté-égalité-fraternité. Le réchauffement climatique, la pauvreté, le chômage, les violences, le sort fait aux migrants sont autant de « moteurs » mis en avant par les jeunes français, comme par leurs camarades européens. La participation à des manifestations, à des grèves ou à des occupations a progressé chaque année de 2 points entre 2017 et 2020, pour représenter 19 % des jeunes. Le bénévolat est parmi les plus élevés d’Europe (Crédoc/INJEP, 2016) et en nette hausse ces dernières années (+ 34 % de bénévoles chez les moins de 35 ans entre 2010 et 2016 – France Bénévolat, 2016).

La jeunesse engagée préfère les actions concrètes allant des mobilisations sur le climat à la « consommation engagée », ou en rapport à des situations plus directes et spontanées sur nombre de sujets différents. Quand on examine la proportion de jeunes dans les différentes formes que peut prendre une action collective (pétitions, flashmobs, mouvements s’emparant de nombreux sujets allant de l’avortement aux violences policières en passant par l’apostasie, etc.), on se rend compte que la palette des thèmes est large. Ces actions sont certes éphémères mais fortes car mobilisatrices.

Le numérique : une forme de culture d’organisation ?

Les pratiques des jeunes, quelles qu’elles soient, sont une façon de se construire vers l’âge adulte, et le numérique en fait bien évidemment partie. Elles sont assimilées à des expériences de soi, comme pourraient l’être des activités sportives, musicales et autres, mais aussi à l’appartenance au groupe. D’ailleurs, il est à noter que ces pratiques se diversifient et forment une culture qui est tout sauf uniforme et homogène. Ne serait-ce que par les inégalités d’accès au numérique ainsi que l’apprentissage fait tout au long de leurs jeunes années.

Toutes les études menées ces dernières années démontrent que les usages numériques des jeunes sont massifs et divers. Les plateformes d’entraide et de tchat se multiplient (Discord, WhatsApp, Twitch…); faire partie d’un collectif au travers de différents outils ou applications est devenu possible. L’accès à la connaissance de ces réseaux peut se faire dans la sphère privée comme professionnelle, tout en reconnaissant que chaque outil à sa propre fonction et ne doit pas empiéter d’un côté comme de l’autre. Chacun peut avoir ainsi l’opportunité de s’exprimer, de débattre, de s’organiser. Cette tendance des jeunes à « construire » numériquement s’est d’ailleurs observée au sein de notre fédération FO Com, notamment dans la branche Télécom, ainsi qu’à l’international.

Quelle place pour le syndicalisme ?

Une étude menée par le Cnesco1 interrogeait aussi de jeunes lycéens sur leur volonté de s’engager, à l’âge adulte, dans des syndicats. L’adhésion à un syndicat représentant une forme d’engagement structuré (par opposition à un engagement ponctuel) est relativement peu plébiscitée.

Si les aspirations d’une partie importante de la jeunesse en faveur de l’intérêt commun sont repérables, celles-ci ne se sont pas traduites par un engagement accru dans le syndicalisme. Les formes d’engagement collectif ont donc changé : elles se caractérisent par une relative désinstitutionnalisation, touchant les syndicats mais également les partis politiques mais n’excluant pas la participation à des mobilisations. L’âge ne semble pas expliquer le degré de sympathie à l’égard des syndicats, qui est sensiblement le même chez les jeunes que dans la population générale. L’image du syndicalisme aurait tendance à les éloigner alors qu’ils auraient la possibilité de trouver un essor porteur pour y concrétiser leurs projets ainsi que vivre leurs valeurs.

Cependant, les motifs pour lesquels les jeunes continuent à s’intéresser aux syndicats existent. On note par exemple que le degré de sympathie pour les syndicats est plus élevé chez les jeunes en contrat précaire, qui peuvent notamment être davantage susceptibles d’être demandeurs de plus d’informations à la fois sur leurs droits et sur les moyens de se former. Si le vivier des jeunes au sein des organisations s’est incontestablement amoindri, la diffusion d’une meilleure information sur leur rôle, ainsi qu’une bonne adaptation des méthodes et des techniques de communication pour associer les jeunes à leurs actions, pourraient améliorer sensiblement cette dynamique.

Bien que la crise ait agi comme un accélérateur de la pauvreté, elle pourrait être aussi un catalyseur pour fédérer ces jeunes, cette nouvelle génération avide de « monde commun », d’équité générationnelle et de justice sociale. L’enjeu est à présent de l’encourager à s’exprimer et se fédérer. Le syndicalisme incarné par Force Ouvrière œuvre pour prendre toute sa place dans la présence numérique afin de permettre aux futures générations de renouer avec les liens humains tout en créant des réseaux via les nouvelles technologies pour avancer collectivement et ainsi ouvrir le champ des possibles.

L’emploi, fer de lance du progrès social !

Jusqu’au milieu des années 70, le travail assurait une certaine sécurité en garantissant l’accès à la protection sociale et notamment les droits à la retraite. L’emploi lié était souvent de qualité.
Le premier choc pétrolier a sonné la fin de cette période de plein emploi et le chômage, d’abord à la marge, est devenu une réalité sociale et économique durable.

Selon l’Insee, au premier trimestre 2021, le nombre de demandeurs d’emplois en France s’élevait à près de 6 millions et cette situation devrait s’aggraver avec la crise sanitaire. D’après les chiffres avancés par la revue « Alternatives Économiques », au 31 mars 2021, la France a perdu 700 000 emplois en six mois, soit le nombre d’emplois précédemment créés en 3 ans !
Paradoxalement, on estime à 300 000 le nombre d’emplois vacants en France.
Ce phénomène s’explique en partie par le manque de qualifications.
17 % des jeunes sortent du système scolaire sans être qualifiés.
Il manque des techniciens dans des secteurs comme les télécommunications, l’agroalimentaire et le bâtiment où la moitié des postes reste à pourvoir.

L’évolution rapide des technologies oblige les entreprises à une recherche quasi constante de 15 000 ingénieurs dans le secteur du numérique. Il est donc urgent de revoir le système éducatif en redonnant la priorité à la formation scientifique pour répondre aux besoins d’emplois générés par la révolution technologique et surtout, donner à tous les jeunes les qualifications nécessaires afin de leur assurer une insertion optimale dans le monde du travail.


EMPLOI DES JEUNES ET SENIORS : PARCOURS DU COMBATTANT

Depuis 1975, le taux de chômage des 15 - 24 ans a toujours été nettement supérieur à la moyenne nationale avec un nombre élevé de NEET (Not in Employment, Education or Training). La crise sanitaire, qui a fait grimper ce taux de chômage au-delà de la barre des 20 %, va avoir un impact « systématique, profond et disproportionné » prévient l’OIT, tout en précisant que « les jeunes sont les premières victimes des conséquences socio-économiques de la pandémie. Il existe donc un risque que leurs vies professionnelles soient marquées à jamais, conduisant à une génération du confinement ». L’OCDE a dressé le même constat.

Le plan proposé par le gouvernement « un jeune, une solution » de 6,5 milliards d’euros comprend une incitation financière aux entreprises pour l’embauche d’une personne entre 18 et 26 ans, une aide pour les contrats d’apprentissage et de professionnalisation ainsi que la relance des contrats aidés. Les mesures gouvernementales, une fois de plus, sont non contraignantes pour les entreprises qui n’ont aucune obligation de garder le salarié. Par contre, le gouvernement compte bien agir sur le coût du travail avec des baisses de cotisations sociales patronales répondant ainsi à l’antienne du MEDEF. Pour FO, ce plan d’urgence ne s’inscrit pas dans la durée et est loin d’être satisfaisant, le risque étant d’installer les jeunes dans la précarité.

Chaque jeune doit avoir accès aux formations supérieures qui répondent aux besoins actuels. Commencer par le chômage, c’est risquer d’être rapidement mis sur la touche. Il y a urgence puisqu’après chaque crise, pétrolière dans les années 70, financière en 2008 et aujourd’hui sanitaire, le taux de chômage des jeunes grimpe plus vite que celui de la population générale. En parallèle, FO revendique l’accès au RSA pour les moins de 25 ans.

Au-delà des jeunes, l’emploi des seniors se dégrade également avec les reculs successifs de l’âge de départ en retraite. Le taux de chômage des seniors (60 - 64 ans) évalué à environ 7,5 % cache un fort taux d’inégalité : une personne sur 5 entre 59 et 61 ans n’a plus d’emploi, sans pour autant être à la retraite. Par découragement ou pour des raisons de santé, elle n’en recherche plus, sortant ainsi des statistiques officielles. L’âge est une des discriminations à l’embauche. C’est même souvent, d’après la DARES, le premier motif de discrimination. Ces constats prouvent, s’il en était encore nécessaire, l’absurdité de la future réforme des retraites, c’est pourquoi Force Ouvrière en demande toujours l’abandon.

POUR LUTTER CONTRE LE CHÔMAGE, LA PRÉCARITÉ NOUS EST IMPOSÉE

La menace quotidienne du chômage et la raréfaction du travail influent sur la qualité des emplois proposés. On voit se développer depuis les années 80 un panel de situations intermédiaires et flexibles entrecoupées de périodes de chômage : stage, intérim, intermittents, saisonniers, indépendants, CDD, CDII. Ces conditions d’emplois précaires permettent de faire sortir des milliers de travailleurs des statistiques officielles du chômage sans pour autant leur procurer un emploi stable. Non comptabilisés comme chômeurs, ils sont le plus souvent dans des situations économiques critiques et/ou à la charge de tiers comme des associations caritatives. Un million de personnes sont en emploi avec un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté (50 % du revenu médian). Les ouvriers non qualifiés assurent un tiers des emplois précaires. Quant au taux global de précarité, il est de 14,4 % pour les femmes contre 12,8 % pour les hommes (chiffres 2018). L’emploi ne joue plus son rôle d’intégration sociale et l’insécurité sociale, financière et économique est accentuée par le temps partiel imposé. Pour lutter contre cette précarité, FO ne cesse de revendiquer une réelle revalorisation du SMIC, l’encadrement de l’utilisation des emplois courts (mise en place de bonus-malus) et bien évidemment l’abandon du projet de loi de l’assurance-chômage.pole-emploi-102

Notre réflexion sur la question de l’emploi doit être globale et porter sur sa structuration car le sujet est complexe; il englobe formation, industrialisation, recherche et développement. Seule une ambitieuse politique de l’emploi et de revalorisation des salaires, pensions et retraites est à même de lutter contre le chômage et de relancer l’économie par la demande. FO revendique contrôle et contreparties à toutes les aides à l’embauche pour éviter les effets d’aubaine ainsi qu’un dispositif type ARPE qui favoriserait l’emploi des jeunes dans le cadre de départs anticipés de seniors. Les formations doivent être de qualité, certifiantes et qualifiantes. Enfin, cela ne peut se mettre en place qu’avec des moyens et des effectifs supplémentaires à Pôle Emploi.

QUEL AVENIR POUR L’EMPLOI ET À QUI VA PROFITER LA RELANCE ?

Un retour au plein emploi ne signifierait pas pour autant la fin de la précarité professionnelle et la disparition du sous-emploi. Bien au contraire, dans le cadre du libéralisme économique décomplexé, plein emploi se conjugue avec sous-emploi. Ainsi, si l’Allemagne fait figure de modèle avec un taux de chômage de 4,9 % en 2019, ce résultat est le fruit d’une politique de précarisation et de sous valorisation du travail (mini jobs à 400 euros, déréglementation du marché du travail, explosion du temps partiel et de la pauvreté…). Derrière ces statistiques de complaisance se cachent des mesures de régression sociale inouïes et très éloignées d’une situation de plein emploi !

En France, au travers d’un « pacte productif 2025 », le gouvernement entend atteindre le plein emploi tout en répondant aux défis du numérique et du changement climatique. Pour ce faire, il compte s’appuyer sur trois choix politiques; la France doit rester une nation de production, augmenter ses exportations et être pleinement dans la course à l’innovation technologique. Mais attention à ne pas s’arrêter aux bonnes intentions ! Encore combien d’allègements fiscaux pour les entreprises, de diminutions de cotisations sociales patronales, de fragilisations de la protection sociale et juridique des salariés va-t-il falloir endurer ? Et pour au bout, combien de créations d’emplois ? On a tous en mémoire le coûteux CICE qui devait, selon le MEDEF, créer un million d’emplois !

Les choix et les politiques sont d’autant cruciaux que l’emploi se transforme avec les nouvelles technologies bouleversant les métiers et les secteurs d’activité. Robotisation puis digitalisation, travail en réseau et en plate-forme remettent en cause nos méthodes d’organisation, de management mais aussi nos relations professionnelles dans leur globalité. Le contrat de travail vole en éclat, les conditions de travail se dégradent, burn-out et précarité s’intensifient. Si les nouvelles technologies sont porteuses d’espoir, supprimant les travaux répétitifs, inintéressants ou pénibles, elles sont aussi trop souvent synonymes de destruction d’emplois et de déshumanisation du travail. Les auto-entrepreneurs exerçant des emplois en lien avec des plateformes numériques par exemple ne sont pas indépendants. L’absence de contrat de travail n’est pas une liberté supplémentaire, elle leur confère les inconvénients du salariat sans les protections inhérentes. Et si pour beaucoup, c’est une manière d’échapper au chômage, ils attendent un emploi plus stable, respectueux de leurs conditions de vie et mieux rémunéré. Ces emplois, « ubérisés », s’apparentent plus à du travail à la tâche d’ailleurs contesté dans de nombreux pays. Aussi, le statut de salarié ne vient-il pas de leur être reconnu au Royaume-Uni ?

Aujourd’hui, face à la mal nommée loi Travail et aux ordonnances « Macron », les revendications de Force Ouvrière sont plus que jamais d’actualité dans cette période de crise sanitaire. La priorité à l’emploi devrait obliger l’État à conditionner ses aides au maintien de l’activité et à la qualité des emplois. Combattre les dérives de la sous-traitance et de l’intérim, sanctuariser les fonds de la formation professionnelle, protéger et garder les entreprises stratégiques sur notre territoire, faire de la transition écologique un atout pour l’emploi industriel, former les salariés aux métiers de demain ou encore identifier les secteurs d’avenir, autant de mesures qui doivent développer de VRAIS emplois avec de vrais salaires. Il en va du progrès social, de l’avenir de la protection sociale, de la justice sociale et de la démocratie.

QUEL EMPLOI DEMAIN À LA POSTE ?

La Poste fait partie des plus grandes entreprises françaises. Les missions de service public qui lui sont confiées sont importantes et plus que jamais encrées dans le quotidien des français. Cependant, La Poste se réorganise, développe de nouveaux services, bien souvent au détriment de l’emploi.
Loin de colmater l’hémorragie de sa masse salariale, La Poste l’organise.

fleche_nbre_emploi_laposte-102En 2000, La Poste maison-mère comptait 320 000 postiers dans ses effectifs contre 211 603 en 2018. 31 776 agents du Groupe ont intégré les filiales. C’est donc 76 621 emplois qui ont été supprimés depuis 20 ans, soit un quart des effectif ! Sur les 5 dernières années, le bilan social de La Poste montre la disparition de 21 305 emplois, essentiellement au niveau des agents d’exécution, alors que l’emploi des cadres et cadres supérieurs est stable.

Une autre rupture s’opère. À l’image de l’évolution des catégories d’emploi en France, où le nombre de cadres a dépassé celui des ouvriers et des employés, l’évolution des catégories professionnelles de la maison-mère confirme cette tendance nationale. En part de l’effectif total, on constate une diminution constante des agents d’exécution et une augmentation de la part des cadres et cadres supérieurs. Cette tendance de fond va en s’amplifiant.

Mais moins de personnel pour servir les clients, est-ce la meilleure des stratégies ? La question doit être posée et il est urgent de se saisir du problème. L’objectif principal, afin de garantir la pérennité de l’entreprise, n’est-il pas, si ce n’est de développer la clientèle, d’au moins la conserver ?

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La diversité de l’emploi à La Poste aujourd’hui

Photo : source Le courrier de la Mayenne
Photo : source Le courrier de la Mayenne

Si jusqu’à présent La Poste se cantonnait à recruter des CDD et des intérimaires, nous voyons apparaître de nouvelles formes d’emplois. C’est donc tout naturellement que l’on constate une surenchère en matière de recrutement de force de travail variable.

En 2010, il y avait 13 700 contrats à durée déterminée (CDD). En 2020, ce sont 8 813 CDD, 2 905 apprentis, et 1 221 contrats de professionnalisation. À ces chiffres, doivent être rajoutés des intérimaires recrutés en fonction des besoins locaux, pour lesquels nous n’avons pas de vision précise.

Concernant les nouvelles formes d’emploi, on constate l’embauche depuis quelques années des CDI intérimaires et d’autres nouveautés voient le jour : les CDD seniors et l’extension de l’utilisation des CDI étudiants.

S’il est vrai que grâce à ce type de propositions La Poste permet à certaines catégories de population de mettre la tête hors de l’eau, en matière de précarité, cela reste bien fragile.

L’équation postale à résoudre

La priorité sera-t-elle de continuer à recruter de la force de travail permanente avec le risque, en cas de détérioration de la situation, de devoir s’orienter vers des dispositifs de départs contraints ?

Pour FO Com, les effectifs en place sont déjà insuffisants et La Poste doit a minima remplacer chaque départ par un emploi pérenne à temps complet.
Ou alors, la priorité serait-elle de conserver les emplois existants quitte, face aux incertitudes, à ne recruter plus que de la force de travail variable en attendant une situation plus stable ?

Clairement, La Poste a choisi cette seconde option et le dernier accord socle le démontre bien.

Le modèle social de l’emploi revendiqué par FO Com

FO revendique un modèle social respectueux et à la hauteur des enjeux de l’emploi de demain. Pourquoi ?

  • Pour améliorer les conditions de travail.
  • Pour mieux répartir la charge de travail.
  • Pour mieux assurer les formations et les actions de développement.
  • Pour améliorer la qualité de service.
  • Pour permettre la prise de congés.
  • Pour assurer de vrais remplacements de toutes les absences.
  • Pour réduire les incivilités.
  • Pour assurer une présence postale de qualité sur tout le territoire…

Il y a tant de raisons pour améliorer l’emploi et les conditions de travail !

Pour une politique de l’emploi socialement ambitieuse

D’année en année, les plans stratégiques se succèdent à Orange, dépossédant l’entreprise de son capital humain au profit de la filialisation. Depuis 2012, l’entreprise aura supprimé plus de 40 % de ses effectifs. Entre 2020 et 2022, la direction d’Orange évalue une diminution d’encore environ 7 000 ETPCDI (Equivalent Temps Plein Contrat à Durée Indéterminé) si elle ne recrute pas. FO Com dénonce cette politique drastique de réduction des coûts et de la masse salariale qui dégrade les conditions de travail et la qualité de service.

* Estimation basse de l’entreprise
* Estimation basse de l’entreprise

De l’aveu de l’entreprise, depuis des années, il manque constamment environ 3 000 ETPCDI pour faire face aux besoins. Ce déficit, entre les besoins et les effectifs, allait de 2 155 à 3 850 ETPCDI d’ici 2022 selon les données affichées pour la période 2020-2022 dans le rapport Parcours Emploi et Compétences (PEC) présenté au Comité Social et Économique Central (CSEC) d’octobre 2020. Mais, par un curieux tour de passe-passe, la direction a abouti à une réduction de cet écart.

Aujourd’hui, en jouant sur ses estimations des besoins et des départs, la direction nous présente une possibilité de sureffectif de 808 ETPCDI « seulement ». FO Com conteste ces manipulations de chiffres qui aggravent la sous-estimation des besoins réels en personnels. Les sous-effectifs affectent l’ensemble des domaines, et plus particulièrement des secteurs clefs comme la Distribution (les boutiques), la Relation Client Grand Public et les activités transverses. FO Com s’oppose à cette politique de l’emploi qui a de lourdes conséquences sur les conditions de travail. La déflation constante des effectifs génère en effet une forte pression sur les salariés restants et sur les services qui sont en flux tendu. Nous sommes convaincus qu’elle affecte également la compétitivité de l’entreprise. Pour ne prendre que l’exemple du réseau commercial, les chiffres sur l’activité des télécoms publiés par l’ARCEP montrent que depuis la réouverture des boutique le revenu issu de la vente de terminaux et équipements mobiles (1,1 Md T soit 12 % du revenu total du marché de détail) a augmenté de 4,1 % en un an, soit un niveau trois fois plus important que celui du quatrième trimestre 2019. Ces résultats nous confortent dans notre conviction qu’il est inepte de fermer massivement nos boutiques et de se défaire de nos vendeurs. À fortiori au moment du lancement de la 5G !

Dans un environnement hautement concurrentiel où le numérique est l’essence même de l’activité d’Orange, il est primordial de conserver les compétences en interne et de (ré)internaliser l’ensemble des activités. Il faut donc recruter massivement en CDI pour faire face aux objectifs et aux enjeux stratégiques de demain. Et, dans un contexte aggravé par la crise sanitaire, l’entreprise qui se veut « socialement responsable » doit, impérativement, prendre en considération les besoins des personnels pour leur permettre de faire face aux transformations des métiers du Groupe et aux nouveaux défis technologiques. Elle en a les moyens, il faut juste qu’elle en ait l’ambition.

La digitalisation, ou comment nuire à l’emploi

Les métiers sont de plus en plus confrontés à des bouleversements et des mutations majeures avec notamment l’arrivée du numérique qui prend chaque jour un peu plus de place dans notre environnement de travail. À la rentabilité, la polyvalence, la flexibilité ou la compétitivité se rajoutent maintenant ces nouvelles technologies qui obligent à innover, s’adapter de plus en plus vite et à être « agiles ». Pour nos dirigeants et les pouvoirs publics, si nous voulons garder et conforter notre place dans un marché mondialisé et ultra-concurrentiel, nous devons nous y plier quel qu’en soit le prix. Nos entreprises, Poste, Orange et Télécoms, n’échappent pas au phénomène, bien au contraire.

Par définition, le progrès devrait être synonyme d’amélioration et de vie meilleure; c’est une transformation vers le mieux. Aujourd’hui, le développement technologique, la digitalisation sont d’une telle « puissance » et d’une telle rapidité qu’ils en deviennent, dans bien des cas, un « fléau ». Souvent, au lieu de rendre le travail plus acceptable, avec de meilleures conditions pour l’exercer et plus de sens, il est au contraire vecteur de contraintes et de régression sociale.

Prenons de nouveaux métiers issus de cette transformation industrielle. Le métier de VTC présenté comme un taxi « auto-entrepreneur » libre et sans contrainte patronale n’est, en fait, que la petite main d’une plateforme qui ignore le droit du travail. Le coursier à vélo, payé à la courses se rapproche plus d’un « esclave » moderne que d’un salarié respecté et protégé.

Tout en perdant son sens, le travail devient synonyme de mal-être et source de maladie. Stress, burn-out, bore-out, dépression sont le fruit d’une charge mentale épuisante. Alors que la machine a depuis longtemps remplacé beaucoup de tâches pénibles, répétitives et aliénantes, l’arrivée du numérique aurait dû conforter ce progrès. C’est l’inverse qui se produit. Les nouvelles organisations du travail telles la mise en place d’unités de production ou le Lean management s’appuient sur la technologie non pas pour du mieux mais pour plus de rentabilité, de productivité et de flexibilité. Les entreprises demandent ainsi de faire toujours plus et toujours plus vite. La technologie est maître du monde, le salarié sa variable d’ajustement économique.

Dans beaucoup d’entreprises, à commencer par La Poste et Orange, les plans stratégiques sont là pour faire accepter par les salariés ces conditions dégradées en leur démontrant « qu’on n’a pas le choix » au regard des situations économiques. Il faut ainsi faire des efforts, à commencer par les efforts pécuniaires, il faut être flexible. À coup de puissantes démonstrations de chiffres, on nous expose de grands et inévitables projets nous faisant croire que les salariés sont acteurs de leur destin professionnel.

Ce constat, qui ne va qu’en s’amplifiant, rend le combat syndical encore plus indispensable et d’une urgence absolue. FO Com s’insurge face à des situations sociales et professionnelles « d’un autre âge » sans revalorisation des compétences ni évolution au sein des effectifs de travail. Pour FO Com, il est impératif de définir les évolutions des différentes activités, secteur par secteur, et dimensionner correctement les emplois à y consacrer. De plus, notre organisation syndicale revendique des formations à hauteur des changements qui doivent se faire sans dégradation des conditions de travail, avec des règles d’hygiène et de sécurité adaptées et le respect des droits sociaux.

La compétitivité et la rentabilité ne doivent pas être le corolaire d’un emploi massacré, d’organisations de travail dégradées, de santé mise en péril aussi bien sur le plan physique que psychologique et d’une reconnaissance nulle. À force de tirer sur la corde, elle peut finir par casser…

FO exige toujours l’abandon de la réforme de l’assurance chômage !

Reportée deux fois pour cause de crise sanitaire, la réforme de l’assurance chômage devrait entrer en vigueur le 1er juillet prochain. Force Ouvrière est, depuis le début, opposée à cette réforme et en demande l’abandon. C’est en ce sens que notre Confédération a déposé un recours devant le Conseil d’État.

Alors que tout demandeur d’emploi doit pouvoir bénéficier d’un revenu de substitution, le principe de cette réforme est de baisser les allocations chômage, environ 17 % d’après les calculs de l’UNEDIC, pour faire des économies budgétaires aux dépens des demandeurs d’emploi. Le durcissement des règles d’indemnisation, la dégressivité pour les cadres ou la prise en compte des jours non travaillés dans le calcul de l’allocation vont impacter les salariés notamment ceux alternant périodes travaillées et périodes de chômage. Force Ouvrière évalue à 1,2 million le nombre d’allocataires qui vont être perdants et rappelle, qu’au contraire, « l’assurance chômage doit être adaptée à la situation des demandeurs d’emploi pour améliorer leurs droits ».

Du plan Engage 2025 à la guerre de la 5G

Orange au coeur des débats

La stratégie que la direction d’Orange a déclinée dans son plan quinquennal « Engage 2025 » prétend construire l’entreprise de demain en s’adaptant à un monde en pleine évolution. Elle se concentre dans la raison d’être qu’elle a définie et inscrite dans ses statuts au cours de l’AG des actionnaires du 19 mai 2020 : « nous sommes l’acteur de confiance qui donne à chacune et à chacun les clés d’un monde numérique responsable ». Un objectif ambitieux qui, selon son PDG, s’inscrit dans la durée et place l’Humain avant la technologie.
Mais que signifie-t-il en réalité pour les salariés et les citoyens que nous sommes ? En particulier sur deux sujets :

  • la question de l’évolution de nos métiers et de nos modes de travail qui revêt une urgence certaine, accentuée par l’actualité sanitaire,
  • la question du climat liée au développement du numérique et notamment à l’arrivée de la 5G.

FO Com, en syndicat indépendant et responsable, vous propose son analyse et d’en débattre.

Et la direction veut encore accélérer !

Le plan stratégique « Engage 2025 » annonce l’intensification des transformations de l’entreprise pour les années à venir avec, pour perspective, une entreprise profondément remaniée d’ici 5 ans.

L’axe phare du plan stratégique est la transformation des métiers orientés vers les nouvelles technologies, l’IA, la cybersécurité… Elle nécessite une mise à niveau des compétences pour laquelle 1,5 milliard d’euros sont prévus. Mais simultanément, ce défi de la mise à niveau des compétences s’accompagne d’une nouvelle diminution des coûts de 1 milliard d’euros. Cette économie impactera essentiellement l’immobilier et la masse salariale.

En dépit de la crise sanitaire et des engagements du PDG d’en tirer les leçons, l’openspace et le flex office restent la norme dans tous les projets qui tablent sur le télétravail pour diminuer l’occupation des surfaces et mutualiser les postes de travail. Les plans schémas directeurs de l’immobilier vantent les campus où seront concentrés des milliers de salariés sur un même lieu sans tenir compte des problèmes spécifiques aux grandes agglomérations (transports et circulation engendrant stress, fatigue et pollution, difficulté à se loger, etc.) et sans se préoccuper des conditions de travail et des recommandations sanitaires confirmées par la pandémie COVID-19.

Concernant les effectifs, l’hémorragie continue avec 10 580 à 11 135 nouveaux départs sur la période 2020/2022, sur l’ensemble de l’Unité Économique et Sociale. Le plus fort impact est pour Orange France avec une baisse en moyenne de 8 420 ETPCDI à l’horizon 2022, soit 79,6 % des départs de l’UES. Selon les chiffres de la direction elle-même, c’est-à-dire incluant une politique de sous-traitance que nous contestons, à l’horizon 2022 le déficit entre les besoins et ressources prévus est compris entre 2 155 et 3 850 ETPCDI sur l’UES1.

Les besoins restent supérieurs aux ressources quels que soient le domaine métier et le bassin d’emploi. Ce déficit permanent des effectifs a des conséquences désastreuses sur les conditions de travail, la qualité du service rendu ou la transmission des savoirs.
Dans ce contexte, nous partageons les craintes des médecins du travail quant aux « possibilités pour le plus grand nombre d’acquérir et de mettre en œuvre ces nouvelles compétences, et ce, au-delà de l’aspect générationnel ». Ils s’inquiètent d’ailleurs de « la forte augmentation du nombre de salariés déclarés inaptes à leur poste, liée aux difficultés de reclassement, les postes « à faible exigence physique ou cognitive » ayant progressivement disparu. La problématique des bassins d’emploi désertifiés accentue les difficultés de reclassement, l’allongement des déplacements, corolaire d’un repositionnement sur ces bassins d’emploi, constitue un obstacle supplémentaire. » Et le très mal nommé « ancrage territorial », qui a fusionné et donc élargi les directions opérationnelles en 2019, n’arrange rien. Il produit même des difficultés supplémentaires, pour harmoniser les pratiques entre les DO regroupées, manager à distance, avec des trajets et des horaires à rallonge et le constat de travailler « dans l’urgence constamment ».
Autre sujet d’inquiétude, la multiplication des réorganisations sur laquelle FO Com alerte régulièrement la direction : on ne peut pas tout faire en même temps ! On l’a vu avec Delivery, un projet mal ficelé dont les effets délétères sont relevés chaque année dans le rapport des médecins et confirmés par le pôle de psychologues du travail.

FO Com l’a répété à plusieurs occasions, pour régler les problèmes humains persistants, aggravés par les confinements, la direction d’Orange doit être encore beaucoup plus attentive aux alertes qui lui sont remontées par les divers acteurs des relations sociales. Afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs, elle doit anticiper les risques et prendre toutes les précautions en amont de chaque décision, en respectant les procédures et les instances. Mais surtout, surtout il faut cesser… d’accélérer ! De tout vouloir faire en même temps : empiler les réorganisations, les déménagements et les mutations professionnelles sans respecter les rythmes humains, sans l’accompagnement adéquat.

Si les résultats sont au rendez-vous, le personnel souffre

Lors de la call manager de la DO IDF du 4 novembre, à la question « Quelle est votre humeur du jour ? », 66 cadres sur 145, soit 45 % d’entre eux, ont répondu négativement se définissant comme : fatigué, usé, résigné, lassé, débordé, démotivé, morose, déçu, surchargé…

C’est pour FO Com un signal d’alerte significatif que les responsables de l’entreprise doivent prendre au sérieux. Le contexte anxiogène de ce deuxième confinement nécessite de sécuriser les salariés et d’insuffler un maximum de sérénité dans les relations de travail. Aider les équipes et les managers à maintenir leurs activités dans ces conditions difficiles implique respect, confiance et bienveillance. Ce serait une grossière erreur d’instrumentaliser la crise sanitaire pour déconstruire le tissu bâtit accord après accord concernant par exemple le télétravail pour en faire un outil exclusivement à la main et au bénéfice de l’employeur et beaucoup moins intéressant pour les salariés. Le nouveau DRH a déjà prévenus : il souhaite que, dans le nouvel accord, la détermination des jours de télétravail dans la semaine ne relève plus du libre choix du salarié mais réponde aux besoins, fluctuants, de l’équipe !

Concrètement il faut éviter tous les irritants inutiles, apporter de la souplesse concernant les congés, clarifier rapidement l’accompagnement financier et matériel du télétravail, encadrer le travail à domicile en prévenant des dérives comme l’hyper-connexion, stopper les réorganisations, maintenir le pouvoir d’achat en réajustant ainsi les objectifs autant que de besoin, ne laisser aucun collègue dans le désarroi ou sur le bord du chemin.
Bien au contraire il s’agit d’envoyer des signaux forts aux salariés qui n’ont jamais baissé les bras et ont permis à l’entreprise de conserver de bons résultats : une reconnaissance financière pour accompagner leur professionnalisme, leur engagement, leur adaptation et leur montée en compétences.

Les orientations stratégiques ne peuvent s’exempter d’une prise en compte de la crise sanitaire qui va sans doute durer plus que prévu avec des effets difficiles à évaluer : les objectifs, les moyens mais aussi et surtout les rythmes et la méthode doivent être réajustés. FO Com demande de recruter (au moins 4 000 CDI dans l’immédiat), réinternaliser les activités, cesser la pression sur les coûts, pression qui induit une nouvelle dégradation des conditions de travail, préserver les métiers et savoir-faire, mettre un coup d’arrêt aux réorganisations et projets immobiliers pendant la pandémie.

Du côté des boutiques

La direction nous a indiqué, qu’en début de confinement, l’activité dans les boutiques a diminué de 40 %. Si ce phénomène se confirme, ce serait une injustice de maintenir les mêmes objectifs car la PVC (part variable commerciale) serait amputée alors que les salariés ne sont pas responsables de la situation et en sont même les premières victimes avec des conditions de travail dégradées et une tension permanente.

La 5G, derrière l’enjeu climatique, la guerre économique

Outre son engagement dans la lutte contre les inégalités numériques2, le plan stratégique réaffirme son but d’atteindre le « Net Zéro Carbone en 2040 ». La direction assure que réduire son impact environnemental est le fruit d’une politique basée sur 3 grands principes :

  • réduire les émissions de CO2 en privilégiant les énergies renouvelables, en électrifiant la flotte de véhicules ou en renforçant le programme Green IT&N,
  • intégrer l’économie circulaire dans les processus et métiers et faire du numérique un levier de la transition énergétique et écologique en reconditionnant les équipements au lieu de les jeter et en produisant des terminaux moins dispendieux en énergie et en matières premières,
  • faire du numérique un levier de transition énergétique en particulier via la collaboration à des programmes scientifiques de recherche sur le changement climatique.

Green IT&N 2020 : De quoi parle-t-on ?

Le green IT&N 2020 (Innovative Training Networks) vise à rendre les réseaux et systèmes d’information moins énergivores avec le remplacement des équipements vétustes, la réduction de consommation d’énergie des box, la virtualisation des serveurs, une climatisation optimale des datacenters, l’optimisation des architectures, l’utilisation d’énergies renouvelables (4 750 sites radio solaires - en Afrique et au Moyen-Orient, fermes solaires - 3 en Jordanie, Power Purchase Agreement - contrat d’achat d’électricité renouvelable- éoliens en France et Pologne et PPA solaire en Espagne)…

L’innovation : oui, mais pas à n’importe quel prix
Exemples d’applications de la technologie 5G

La lutte pour diminuer l’empreinte carbone est un élément essentiel de communication interne et externe de l’entreprise. C’est devenu un argument de vente et il faut reconnaître qu’Orange peut se prévaloir d’une certaine réussite : l’entreprise estime à 3,5 millions de tonnes l’économie réalisée sur les émissions de CO2 entre 2010 et 2019.

Cependant si le dérèglement climatique et les émissions de CO2 revêtent une réelle urgence, l’épuisement des ressources pose une autre question tout aussi fondamentale mais beaucoup plus complexe comme on l’a vu à l’occasion de l’arrivée de la 5G. Cette technologie va permettre une plus grande rapidité de connexion sur un plus grand nombre d’appareils, eux-mêmes connectés et interconnectés, tout en rapprochant les opérations de traitement des données de leur source, à savoir l’utilisateur final. Elle va impacter radicalement des secteurs clés comme la médecine, les transports (véhicules autonomes notamment), les objets connectés liés à la smart city et d’autres services innovants que nous ne sommes pas encore en mesure d’imaginer. Si la question des impacts des ondes sur la santé, ressassée à l’occasion de la 2G, 3G, 4G…, a fait rapidement long feu, la téléphonie mobile de cinquième génération continue à susciter un flot d’interrogations. Promoteur de cette nouvelle technologie, Orange s’est naturellement retrouvée au cœur de la polémique sur les questions sanitaire, écologique et, plus fondamentalement, de la surenchère des usages. Ses détracteurs lui reprochent d’induire une consommation énergétique croissante, un saut vers l’hyper connectivité et des développements technologiques hors de contrôle. Évidemment légitimes, ces interrogations sont à traiter indépendamment de la 5G, qui n’est après tout qu’une technique à l’occasion de laquelle on s’interroge. Il n’y a aucune fatalité. On peut faire en sorte que cette nouvelle donne soit un progrès. Qu’elle soit accompagnée de mesures réduisant la consommation énergétique.

Que les usages qu’elle permettra soient pensés, maîtrisés et répondent non pas à une demande irréfléchie mais à un besoin rationnel…
On sait que l’histoire est émaillée d’inventions capables du pire comme du meilleur. Le vrai sujet, c’est à quoi elles servent et qui en décident. Ceux qui en tirent profit ne sont évidemment pas les mieux placés pour le définir. Concernant Internet, leur but est de capter l’attention des internautes – la ressource la plus chère sur le web – pour les garder le plus longtemps possible sur leur site et donc de les exposer au plus de publicités possibles… ou de les voler aux concurrents.

De fait, qui n’a jamais passé des heures à remonter un fil d’information, à faire défiler des photos sans intérêt jusqu’à s’apercevoir que trois heures étaient passées ? À cet égard, les mises en garde d’inventeurs repentis de technologies qui rendent les internautes accros sont éclairantes. Ce qu’ils disent c’est qu’il faut une prise de conscience collective, protéger nos enfants, exercer notre liberté de choix, nous approprier les outils dont nous voulons, apprendre à nous en servir… pour ne pas devenir prisonniers des GAFAM… pour rester libres et, ce qui n’est pas accessoire, ne pas dilapider bêtement les ressources de la planète dans des usages qui nous aliènent. Mais il faut aussi prendre en compte que les usages numériques domestiques dont nous parlons ne représentent qu’une infime partie de l’utilisation des réseaux.

Ces développeurs pas vraiment à l’aise avec leur innovation…

Bill Gates, créateur de Microsoft, qui refusait de donner un portable à ses enfants avant 14 ans; Chamath Palihapitiya, ancien cadre dirigeant de Facebook, qui interdit aux siens de « toucher à cette merde »; Aza Raskin, l’inventeur de l’infinite scroll (défilement de contenus sans fin sur l’écran), qui dénonce le caractère diabolique de cette technique de captage des internautes, qui, selon ses calculs ferait perdre en temps passé l’équivalent de « 200.000 vies humaines par jour »; Tony Fadell, le père de l’iPod et l’un des co-créateurs de l’iPhone, qui reconnait que ce qu’il a créé ou aidé à créer peut, si ce n’est pas utilisé correctement, détruire les familles ou les sociétés et exhorte les gens à « prendre le contrôle et à travailler ensemble pour combattre ce monstre »; Guillaume Chaslot, co-créateur de l’algorithme de recommandation des vidéos sur YouTube, qui sensibilise aujourd’hui aux dangers que peuvent représenter ces algorithmes et regrette « Je me sens responsable et coupable, et maintenant, ma responsabilité, c’est de parler de ça pour qu’on change les choses »

L’Europe peut-elle relever ce défi ?

Au-delà de ces importantes questions « citoyennes », qu’on le veuille ou non, les acteurs économiques – Orange a fortiori puisque c’est son cœur de métier – ne peuvent s’exonérer de s’emparer des technologies numériques pour entrer dans l’économie de la donnée qui va être nettement boostée par le déploiement de la 5G et la montée en puissance des usages des intelligences artificielles. Les villes, les territoires qui refuseraient l’installation de la 5G s’exposeraient dans un court terme à devenir des déserts industriels. Tous les experts s’accordent à reconnaître que les pays qui ont pris de l’avance sur la 5G bénéficient d’une position privilégiée pour leur développement économique et commercial.

Mais il faut bien comprendre qu’avant toute chose, la 5G est une norme. Chaque réseau, ou appareil qui entend l’exploiter, doit respecter ses spécifications techniques, ce qui passe nécessairement par l’utilisation de technologies brevetées. Cela signifie que, sur le plan économique, au-delà des infrastructures matérielles que requiert la 5G, il faut s’intéresser au maillage de droits de propriété intellectuelle qu’elle implique. Pour donner une idée de l’enjeu, un smartphone moderne est protégé par environ 250 000 brevets. C’est à la lumière de cette réalité qu’il faut comprendre la croisade menée par le gouvernement américain contre Huawei et la prétendue intrusion des chinois dans les réseaux, exigeant des pays « amis » de bannir Huawei au motif de la préservation de leur sécurité nationale. Tout cela sans apporter la moindre preuve tandis qu’Edward Snowden a montré, en 2013, que la NSA avait piraté les serveurs de Huawei en vue d’espionnage. Ce déport sur la question de la sécurité a empêché d’appréhender le sujet sous l’angle de la politique industrielle et des relations internationales… ce qui faisait le jeu des géants américains. On voit bien que les enjeux du débat actuel sur la 5G dépassent de beaucoup la question d’une domination chinoise sur cette norme de téléphonie. La bataille de la 5G se mène essentiellement sur le terrain géopolitique avec, en toile de fond, l’affrontement toujours plus âpre entre les États-Unis et la Chine.

Sans prétendre que la question de Huawei en est la seule responsable, l’Union européenne n’a pas su définir une politique commune sur la 5G appréhendée sous l’angle de la politique industrielle et des relations internationales. Favoriser l’émergence d’un champion européen en s’appuyant notamment sur Nokia et Ericsson, en face des chinois et des américains et capable, avec les subventions idoines, de les concurrencer en matière de R&D3, en est un exemple. La Commission européenne poursuit sa politique suicidaire sans tenir compte du contexte géoéconomique, toujours au nom d’une marotte pourtant éculée, la sacro-sainte concurrence. FO Com dénonce depuis longtemps cet obscurantisme qui plombe nos économies durablement au profit des GAFA et des géants du net qu’ils soient américains ou chinois (dès 2015 nous avons interpellé maintes fois les autorités internationales et nationales, en particulier les députés et l’Arcep).

Pour les optimistes, l’Europe pourrait encore faire émerger un plan de relance des nouvelles technologies, de créer des méta-plateformes numériques en mesure de tenir tête aux géants américains ou chinois. Encore faudrait-il sortir de la fragmentation qui empêche toute stratégie commune cohérente et abandonner le dogme concurrentiel. La prochaine guerre mondiale sera-t-elle alors une guerre éthique et/ou numérique ? Quoi qu’il en soit, il reste à l’Europe à se positionner avec force pour espérer peser dans les enjeux que nous avons soulevés.

Des risques bien au-dessus du positionnement des entreprises

Les enjeux dépassent en fait la seule question du développement économique et de la politique commerciale. On le sait sans indépendance technologique, il n’y a pas d’indépendance nationale. Mais au-delà, il s’agit bien de la maîtrise des données, du pouvoir de communication, de la parole politique, de la sécurité des citoyens, en un mot de la démocratie. Laissera-t-on cela aux GAFA qui ne sont gouvernés que par leurs seuls profits ? Comme le dit Evgeny Morozov « Si le numérique reste un pilier incontournable de la définition et la construction du « monde d’après », la question éthique et démocratique n’en demeure pas moins centrale pour ne pas laisser tout pouvoir aux entreprises privées sur les choix techniques et normes qui seront déployés ». Et « il est assurément illusoire et dangereux de laisser à une poignée de milliardaires les clés de la défense de l’idée de démocratie ».
(Le Monde diplomatique d‘octobre 2020)

1 Pour FO Com, il est urgent de recruter a minima 4 000 CDI.
2 Avec des objectifs de couverture réseau, des offres de formations pour les clients et des équipements abordables.
3 Huawei a affecté plus de 10 % de ses bénéfices annuels, soit plus de 15 Mds $, à la R&D en 2019, devançant Apple et Microsoft.