Les oubliés de la fibre

Comme on pouvait s’en douter le plan France Très Haut Débit, lancé en 2013 ne tiendra pas sa promesse d’équiper tous les Français. Selon la fédération Infranum entre 1% et 2% des 40 millions de foyers et entreprises à raccorder n’aura jamais la fibre, surtout dans les zones rurales ou de montagnes les plus reculées : 400.000 à 800.0000 personnes sont concernées. Pour assurer la couverture promise des « déserts numériques », enjeu majeur pour l’élection présidentielle de 2022, ne sont maintenant proposées que les solutions alternatives. C’est dans ce cadre que l’Arcep vient d’autoriser l’Américain Starlink à utiliser certaines fréquences pour apporter du très haut débit par satellite dans les zones reculées de l’Hexagone.
Le hic pour les oubliés de la fibre c’est que ces solutions alternatives offrent des débits bien inférieurs au 1 Gb/s de celle-ci, pour des tarifs beaucoup plus élevés. Ainsi l’offre Internet illimité par satellite de Nordnet, la filiale d’Orange, coûte depuis la semaine dernière 40€ par mois (60€ en temps normal). Il faut ajouter 149€ pour acheter l’équipement, ou 8€ par mois pour sa location. Et ce, pour un débit de 100 Mb/s maximum. Quant à Starlink, il n’a pas encore dévoilé ses prix pour la France. Mais pour des débits de 50 à 150 Mb/s, son offre aux Etats-Unis démarre à 99$, auxquels il faut ajouter 499$ pour le matériel.
Les inégalités numériques demeureront donc malgré les engagements des politiques et du régulateur. Inégalités qui ont des répercussions sur la capacité d’entreprendre, sur le métier à l’heure du télétravail, sur l’accès à certains services au moment du tout connecté. On se prend à rêver à une époque où, sous les auspices du service public des PTT chaque citoyen avait été équipé d’une ligne téléphonique qu’il soit habitant d’un coin reculé des Pyrénées ou d’une grande ville, pour le même prix d’abonnement. La péréquation des coûts et des tarifs pratiqués par l’opérateur historique permettait qu’il n’y ait aucun laissé-pour-compte alors qu’avec la concurrence, chacun, comme au Mistigri, cherche à se débarrasser du valet noir… qui ne sera jamais fibré.