télétravail
État des lieux à Orange


la tendance récente consistant à affranchir tout ou partie de l’activité professionnelle de son cadre fixe traditionnel (bureau…) connaît un développement régulier. le télétravail peut se révéler un atout pour l’équilibre du salarié comme pour les résultats que l’employeur attend, à la condition que des règles précises en encadrent l’exercice. À orange, c’est le cas depuis 2009. le temps d’un premier bilan.

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Principes qui encadrent le télétravail

Le télétravail repose sur le principe de VOLONTARIAT. Il doit faire l’objet d’un contrat (principe de CONTRACTUALISATION). L’employeur prend en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail (principe de PRISE EN CHARGE PAR L’ENTREPRISE DES COÛTS). L’employeur et le salarié peuvent convenir, à l’initiative de l’un ou de l’autre, de mettre fin au télétravail (principe de RÉVERSIBILITÉ). Le télétravail permet au salarié de bénéficier d’une grande liberté quant à l’organisation de son temps de travail. Pour autant, la législation sur la durée du travail et les règles concernant le décompte d’éventuelles heures supplémentaires doivent être respectées. L’employeur peut donc contrôler le temps de travail de son salarié. Les modalités de ce contrôle sont précisées au sein de l’accord collectif applicable ou, à défaut, dans le contrat de travail ou son avenant.
Afin que le salarié puisse être joignable, il est également nécessaire de définir des horaires au cours desquelles lui et son employeur peuvent se contacter. La loi indique qu’il appartient à l’employeur de fixer ces plages horaires après s’être concerté avec son salarié.
La loi envisage le télétravail en cas de circonstances exceptionnelles, comme par exemple les épidémies, les intempéries, les pics de pollution ou les inondations, le recours au télétravail peut avoir lieu de manière ponctuelle afin de permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. Juridiquement, la mise en œuvre du télétravail est alors considérée comme un simple aménagement du poste de travail. Une modification du contrat de travail n’est donc pas nécessaire.
Par contre, la loi ne prend pas en compte explicitement les travailleurs « nomades ». Elle n’aborde ni les problèmes de période d’adaptation, ni les problèmes de santé, ni les problèmes de formation. Elle ne parle pas des droits collectifs : en particulier n’est pas mentionnée la nécessité d’informer et de consulter le comité d’entreprise. Les télétravailleurs ne sont pas identifiés comme tels sur le registre unique du personnel. Pourtant, seule cette identification permet une totale transparence sur l’importance du télétravail dans l’entreprise et de faire diminuer le télétravail « sauvage » ou « gris » (c’est-à-dire non explicitement reconnu par un contrat ou un avenant) au profit du télétravail négocié.

Les différentes sortes de travail à distance

Le travail « nomade » concerne les commerciaux, les techniciens d’intervention, de nombreux indépendants et ne fait pas l’objet d’une législation.
Le télétravail occasionnel à distance, lié à des motifs conjoncturels (intempéries, problèmes de transport) ou lié temporairement à des contraintes individuelles (maternité, problème de santé, aidants familiaux…).pub_2
Le télétravail pendulaire, le plus fréquent, où on alterne temps dans l’entreprise et temps dans des lieux distants. La forme la plus courante est au domicile du salarié. Mais ce peut être aussi :

  • en bureaux déportés appartenant à l’entreprise ou à un de ses partenaires,
  • en tiers-lieux tels que les télécentres, des centres d’affaires équipés de TIC (très haut débit, visiophonie) et d’espaces de « coworking » (voir encadré à droite) qui rassemblent des professionnels ayant la même activité ou des activités complémentaires.
  • dans des lieux intermédiaires comme les trains, gares, aéroports, hôtels… qui proposent des espaces équipés de liaisons internet aux nomades.

État des lieux sur le télétravail

On ne dispose que de statistiques partielles peu récentes et de sondages ponctuels et hétérogènes. Il ressort d’une étude de l’ANACT (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) publiée en octobre 2015 que :

  • 60 à 70 % des salariés se déclareraient intéressés par le télétravail, les Franciliens et les jeunes diplômés le plébiscitent massivement.
  • Le télétravail concerne 14,2 % des salariés du privé et du public, soit environ 3 millions de salariés sédentaires.
  • En 2013, moins de 200 accords signés dédiés ou incluant un volet télétravail régulier ont été recensés. Cela signifie qu’il existe de nombreuses pratiques peu formalisées (télétravail « gris ») que FO dénonce car elles laissent la porte ouverte à tous les abus et échappent aux radars : en 2012, une statistique évaluait à 67 % les cas de télétravail effectués « en dehors de tout formalisme » c’est-à-dire sans encadrement négocié.

Pour ou contre le télétravail ?

Pour les salariés, les avantages évoqués tournent autour de l’autonomie dans l’organisation du travail, une meilleure qualité de vie (moins de temps de trajet domicile-travail).
Le télétravail peut faciliter l’accès à un emploi éloigné du domicile notamment pour des personnes ayant des difficultés de déplacement. Il est présenté aussi comme pouvant favoriser les parcours en limitant les freins liés aux exigences de mobilité géographique pour les femmes notamment. Ou une réponse à la fermeture de site.
L’argument d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie sociale et familiale est en revanche largement entaché par les risques d’envahissement de la vie privée par le travail, la suppression de la frontière entre les sphères privée et professionnelle, avec, à la clef, des heures de travail dépassant le cadre légal, non comptabilisées ni bien sûr payées en heures supplémentaires 1. Les salariés peuvent aussi souffrir d’isolement voire d’exclusion du collectif de travail. Le mélange vie personnelle/professionnelle et les difficultés à atteindre les objectifs peuvent causer des dommages psychosociaux (réactions psychologiques ou comportementales, voire pathologies).
Pour les employeurs, l’intérêt réside dans une baisse importante de l’absentéisme, une augmentation de la productivité, des salariés plus motivés, et des économies estimées jusqu’à 30 % sur la surface immobilière et les frais de fonctionnement… C’est l’occasion de mettre en place une nouvelle organisation du travail basée sur une plus grande flexibilité des personnels pouvant aller jusqu’à une forme extrême, l’ubérisation 2.

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Villa Bonne-Nouvelle l’espace de coworking interne ou corpoworking pilote d’Orange
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Ouvert en octobre 2014 sur 350 m² dans un bâtiment qui hébergeait les « demoiselles du téléphone » du temps de l’aïeul d’Orange, les PTT, cet espace peut accueillir 50 coworkers.
La Villa Bonne-Nouvelle possède toutes les caractéristiques du coworking : lieux modulables à l’aide de lourds rideaux gris, espace détente, jeux
vidéo, espace cuisine-repas, patinette, cabine téléphonique recyclée, start-upers et geeks…
Et ambiance décontractée mais studieuse.
Les salariés d’Orange peuvent venir travailler le temps d’une réunion, d’un projet, même pour plusieurs mois avec toute l’équipe projet qui mêle temps collaboratif et travail à distance.
On y retrouve aussi des start-up.
Comme les open-space souvent assimilés à des espaces « démocratiques » où les barrières hiérarchiques sont effacées, l’ambiance « top cool » masque des charges de travail souvent très lourdes qui laissent peu de place aux séances de babyfoot.
Si « On partage l’aventure ensemble », si dans le new management la hiérarchie est censée être moins pesante, derrière la convivialité apparente, le contrôle et la supervision demeurent. Et l’autonomie se paie parfois très cher… en solitude.

à orange

Ce qu’ont permis les accords

Le télétravail a fait l’objet de deux accords que FOCom a signés, le 22 juin 2009 et le 17 mai 2013. Le télétravail est ouvert à l’ensemble des personnels, y compris les fonctionnaires et les agents contractuels de droit public. Le dernier accord ne concerne pas les activités nomades, qui, « par leur nature, ne peuvent être réalisées dans les locaux de l’entreprise ». Toutefois, les tâches sédentaires des salariés nomades peuvent aussi être effectuées en télétravail. Celui-ci peut être réalisé depuis le domicile du collaborateur mais également, comme en 2009, dans un centre de travail proposé par l’entreprise, en dehors de son lieu d’affectation. Les télétravailleurs d’unités diverses peuvent être regroupés sur des sites, en dehors de leur centre d’affectation. Ainsi, le collectif de travail n’est pas rompu.

Trois modes d’organisation du télétravail sont prévus

  • le télétravail hebdomadaire : l’avenant au contrat de travail fixe les jours ou demi-journées travaillés ;
  • le télétravail dans le cadre du mois : cette possibilité, qui concerne des salariés dont l’activité ne permet pas de définir a priori et de manière constante les jours de télétravail, prévoit un volume mensuel de jours supérieurs à trois. Dans ce cadre, le nombre de jours ou demi-journées télétravaillés est déterminé au fur et à mesure après échanges entre le salarié et son manager ;
  • le télétravail occasionnel : répond à des situations inhabituelles ou d’urgence. Il ne fait pas l’objet d’un avenant au contrat de travail et le refus du manager doit être notifié par courriel.

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Conditions

Comme le veut la loi, le télétravail à Orange est une forme de travail fondé sur un volontariat réciproque, basé sur un rapport de confiance entre le collaborateur et son manager. Il est soumis à un avenant au contrat de travail pour une durée d’un an renouvelable. La négociation a permis d’établir qu’hormis les collaborateurs dont l’activité professionnelle nécessite une présence physique, tous les salariés, cadres comme non-cadres, qui en font la demande peuvent demander à télétravailler. Si le manager a la possibilité de refuser, nous demandons que ce refus soit notifié et justifié par écrit.
Outre le double volontariat, les conditions sont une période d’adaptation de 3 mois et la présence dans les locaux de l’entreprise 2 jours par semaine au minimum (réduit à un jour pour les bénéficiaires d’un des dispositifs TPS/TPA grâce à l’accord intergénérationnel) afin d’éviter le risque d’isolement des télétravailleurs. Le manager s’assure régulièrement, et en particulier lors de l’entretien individuel, que le salarié qui a opté pour le télétravail bénéficie d’une montée en compétences et d’un accompagnement nécessaires à la tenue de son poste de travail.

Mise en œuvre matérielle

L’avenant au contrat de travail fixe des plages horaires dans lesquelles le télétravailleur peut être joignable afin de respecter sa vie privée. L’employeur et les représentants du personnel compétents en matière de santé, d’hygiène et de sécurité au travail ont la possibilité de se rendre sur le lieu de travail du télétravailleur, après l’en avoir informé et en sa présence.
Le télétravailleur s’engage à respecter les règles du groupe en matière de sécurité, en particulier informatique et, notamment de mot de passe. Il doit vérifier auprès de son assureur que le télétravail est compatible avec sa couverture assurance. Il peut demander les conseils en ergonomie auprès de son établissement et peut également demander une visite d’inspection du CHSCT. Outre le matériel informatique mis à sa disposition, le salarié reçoit pour ses frais une somme forfaitaire annuelle de 100 € bruts par an.

Postes et activités compatibles

L’accord pose le principe de l’accès au télétravail, « dès lors qu’il est compatible avec l’exercice des activités par les salariés, de manière autonome ». L’accord ajoute que, « sauf cas exceptionnel, ne peuvent être éligibles les postes et activités qui, par nature, nécessitent d’être exercés dans les locaux de l’entreprise, soit en raison des équipements, soit en raison de la nécessité d’une présence physique face aux clients ». Pour certains métiers, dont il est difficile de mesurer la compatibilité avec le télétravail, l’accord ouvre la voie à des expérimentations. Charge à la commission nationale de suivi de l’accord de les évaluer. Cette commission se réunit au moins une fois par an avec les organisations signataires et doit fournir un rapport annuel précisant le genre, le nombre et la classification des salariés en télétravail.

Le télétravail à Orange en chiffres

Le travail à distance est en pleine expansion avec 5 712 télétravailleurs sur le périmètre Orange SA, soit 6,30 % de l’effectif fin 2015. Le nombre de télétravailleurs a été multiplié par 8 en 6 ans.
Le taux de féminisation des télétravailleurs, de 49 %, est significativement plus élevé que celui de l’effectif global (36,26 %)
Le mode majoritaire est le télétravail hebdomadaire : 77,21 % des télétravailleurs disposent de 1 à 3 jours de télétravail par semaine.
Les formules d’alternance sont respectivement :

  • 1 jour par semaine (31,62 % des télétravailleurs),
  • 2 jours par semaine (29,52 %),
  • 3 jours par semaine (16,07 %).

Le domaine Clients, depuis 2009, reste le secteur d’activité le plus engagé dans le télétravail : 42 % des télétravailleurs sont issus du domaine Clients alors que ce domaine représente 43 % de l’effectif total, 38 % des domaines Technique Réseau et Informatique, ce domaine représentant 39 % de l’effectif total, 20 % des domaines Gestion Support, Contenu et Innovation, ce domaine représentant 14 % de l’effectif total.
Les cadres sont plus naturellement dans une démarche de travail mobile : 70,62 % des télétravailleurs sont des cadres. La pratique du travail mobile, dans ses différentes formes est sans doute plus habituelle chez ce personnel plus fortement équipé en outils de mobilité. Le travail à domicile est le modèle privilégié : 70,01 % ont opté pour le télétravail à domicile et 11,71 % pour le bureau satellite.
43 demandes ont essuyé un refus en 2015 aux motifs d’organisation du service, d’autonomie du salarié et suite à un changement de métier, à l’entrée du télétravailleur en temps libéré du TPS ou en retraite.

Le Système d’Information, un enjeu majeur

La qualité des outils de communication et leur bonne utilisation sont essentielles dans la relation managériale à distance. Il est primordial que les outils de communication et d’interaction ne soient pas détournés de leur usage et n’engendrent pas un sentiment d’intrusion chez les managés à distance. Tous les managers n’utilisent pas ces outils de la même manière, ce qui peut engendrer des incompréhensions voire des frustrations. En outre, un manque de performance de certains outils dégrade la relation managériale à distance. Ainsi, certains outils informatiques apportent peu de valeur ajoutée voire alourdissent le travail : leur manque de convivialité, le défaut d’informations à leur égard ou leur indisponibilité sont des handicaps rédhibitoires. Avant sa refonte totale, le réseau interne Plazza était ainsi dénoncé comme largement inopérant, il était d’ailleurs boudé par le personnel 3.

Le problème du management à distance au sein du Groupe Orange

Au-delà de l’organisation du travail elle-même, qui nous interpelle au premier chef comme syndicat, le travail à distance questionne la relation managériale. L’Institut des Métiers d’Orange a mené une étude avec le cabinet Lentic sur le travail et le management à distance qui identifie 6 enjeux :

  • l’ambivalence de la perception du contrôle par les managés,
  • la remise en cause des présupposés d’usage des outils de coordination à distance et de leur performance,
  • les identités d’appartenance des managers et managés à distance,
  • la gestion des carrières lorsque les collaborateurs sont dans une situation de management à distance,
  • la transmission des données et le partage des connaissances dans une équipe à distance,
  • les styles de leadership et les compétences particulières nécessaires pour manager ou être managé à distance.

La question clef de la confiance

Le travail à distance met au centre l’établissement de la confiance entre les différents niveaux hiérarchiques. De fait le manager n’a plus ses collaborateurs « sous la main » pour vérifier qu’ils « font leurs heures » et qu’ils effectuent correctement les tâches qui leur ont été assignées. L’enjeu principal du management à distance est de créer un collectif efficace, performant, dans lequel chacun puisse trouver sa place et la motivation nécessaire pour accomplir ses missions. Le rôle du manager consiste à faire en sorte que la dispersion des équipes ne soit pas un frein, à ce que chacun soit partie prenante à la vie de l’entreprise, quel que soit le lieu où il est localisé. Il s’agit aussi de faire en sorte que tous les salariés, toutes les équipes d’un même département, bénéficient d’un traitement équitable. Or la distance rend difficile la cohésion, mais également la confiance réciproque entre un manager et ses managés. Et la question de la confiance est susceptible d’influencer les perceptions parfois ambivalentes des managés à l’égard du contrôle qui s’exerce sur leur travail. Lorsqu’ils ont le sentiment que leur manager n’a pas confiance en eux, un contrôle étroit peut être ressenti comme de l’intrusion dans leur sphère d’autonomie et non comme un soutien. Un contrôle faible sera ressenti positivement en relation avec l’autonomie exercée mais peut aussi être perçu comme un signe de désintérêt voire d’abandon de la part du manager.
À Orange le contrôle des managers sur le travail des managés à distance est réalisé sous trois formes : le contrôle par les technologies d’information et de communication (TIC), le contrôle déclaratif et le contrôle sur les résultats.

      • Le contrôle par les technologies de l’information et de la communication permet de réaliser un contrôle de la disponibilité des managés à distance qui peut, dans certains cas, être assimilé à du harcèlement. Ainsi Communicator est parfois dénoncé : moyen de communication à l’origine, il devient outil de surveillance de la disponibilité du salarié à distance. FOCom revendique la limitation des heures de disponibilité du managé à distance. Des plages horaires doivent être identifiées en négociation pendant lesquelles il ne peut être reproché au salarié de ne pas être connecté, ce qui ne signifie nullement qu’il ne travaille pas. Il a besoin, pendant certaines périodes de la journée, de pouvoir travailler en toute sérénité sans être dérangé.
      • Le contrôle déclaratif est basé sur le reporting des tâches effectuées à distance. Les collaborateurs à distance remplissent de façon régulière des rapports d’activités plus ou moins structurés. La multiplication des contrôles administratifs et standardisés, perçue comme pointilleuse et chronophage, tend à détériorer la relation managériale.

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    • Le contrôle par les résultats sur la base d’objectifs fixés avec le manager. Un contrôle centré uniquement sur l’atteinte d’objectifs quantitatifs présente des inconvénients majeurs. Il est souvent ressenti comme un manque de soutien par les managés qui souhaitent davantage d’encadrement de type qualitatif, notamment en amont des résultats obtenus.

Et comme le disait Jean-Paul Sartre : « la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres ».

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