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Djingo, les leçons d’un échec

DjingoLe 6 octobre dernier, les salariés et les clients d’Orange ont appris par communiqué qu’il était décidé d’arrêter la commercialisation du speaker Djingo, lancé en 2019. FOCom s’interroge sur le bien-fondé de la stratégie ayant conduit Orange, quelques années plus tôt, à investir énormément, à grands coups de communication (jusqu’à impliquer notre Président lors du Hello Show), dans le développement d’un assistant vocal, alors que des monstres industriels comme Google et Amazon en inondaient déjà le marché.
Ceci dit, on sait que l’arrêt d’un projet est inhérent à l’activité Innovation. Pour FOCom il est par contre important d’en minimiser la brutalité sociale. Ainsi comment vont être accompagnés les salariés impactés pour retrouver une activité en lien avec leurs compétences très pointues dans lesquelles ils avaient lourdement investi ces dernières années ? Et tous les salariés TGI, quel que soit le projet sur lequel ils travaillent, ont compris à travers l’épisode Djingo que personne n’est à l’abri d’un arrêt brutal de leur activité découlant d’une priorisation ou d’un choix stratégique découverts dans la presse. Pour des chercheurs, des ingénieurs, des techniciens dont les compétences rares demandent souvent plusieurs années d’investissement pour devenir opérationnels, puis atteindre l’excellence, une telle brutalité est particulièrement anxiogène. On souhaiterait donc, à l’avenir, une vision stratégique apportant hauteur et stabilité aux grands projets Innovation du Groupe.

Stéphane Richard prêt à augmenter le dividende…

Dans une interview accordée à Bloomberg, le PDG d’Orange Stéphane Richard a indiqué que « personnellement » il ramènerait bien le dividende à son niveau d’avant la pandémie dès cette année, « ce que la société avait les moyens de faire. » Prévu initialement à 70 centimes d’euro par action, le dividende avait été ensuite abaissé à 50 centimes d’euro. Stéphane Richard a ajouté qu’il était déterminé à être plus ambitieux en matière de réduction des coûts. Interrogé sur d’éventuelles suppressions d’emplois, il a expliqué qu’il y avait un plan constant de réduction du personnel en France. Les salariés prenant leur retraite continueront à n’être que très rarement remplacés a-t-il confirmé, sans fournir d’objectifs précis. Il a toutefois indiqué que les réductions de personnel se concentreraient sur les unités de soutien et non opérationnelles. FOCom a déjà dénoncé le plan stratégique Engage 2025 visant notamment à économiser 1 milliard d’euros d’ici 2023, à poursuivre la fonte des effectifs et à recourir à toujours plus de sous traitance. Si Orange a les moyens d’augmenter le dividende, nous ne comprenons pas qu’elle ne reconnaisse pas mieux son personnel, qu’elle continue à faire pression sur les coûts aux dépens des conditions de travail.

Avec des résultats en ligne, la reconnaissance est plus que jamais une exigence

Les résultats publiés ce jour montrent que la crise n’a que très peu affecté les comptes d’Orange et, qu’au contraire, elle a boosté certaines activités. Le chiffre d‘affaires est en croissance légère sur le premier semestre et, mis à part l’Espagne, l’activité est très positive sur l’ensemble des géographies du Groupe.

En France, Orange réalise son meilleur second trimestre sur le très haut débit malgré le confinement. Le marché « entreprises » a été affecté plus que les autres segments sur les activités traditionnelles mais il est en très forte croissance sur les nouveaux domaines : Cyberdéfense et Cloud. La direction maintient ses objectifs financiers pour 2020, en particulier le cash-flow organique, véritable fil à plomb des marchés financiers et le dividende à 0,70 euros pour 2020. Ainsi s’effondrent toutes les fables qui nous ont été servies pour refuser de répondre à nos demandes lors de la négociation salariale, lors des discussions sur l’accompagnement des télétravailleurs ou encore lorsque nous avons demandé une prime pour reconnaitre les efforts fournis et les résultats obtenus.

FOCom réitère avec d’autant plus de force ses revendications : prime immédiate pour tous, 13ème mois et mesures salariales identiques à celles de la NAO 2019 (signée à l’unanimité).

Question de mentalité

La direction lance un « nouveau mode de recrutement : la cooptation ». En fait, il avait déjà été prévu dans le nouveau contrat social de 2010-2011 que les salariés d’Orange puissent proposer des personnes au recrutement externe. Cela correspondait à une demande et c’était une forme de reconnaissance. La nouveauté aujourd’hui c’est que, si le candidat proposé est embauché, le salarié bénéficiera d’une prime de 1000 euros. Cette opération nous paraît très discutable dans son principe. Transformer les salariés qui proposent des candidats en chasseurs de primes est plus que limite. Outre le changement radical de mentalité que cela implique, tous ne seront pas à égalité dans cette chasse. Seuls 21.000 salariés ont été sélectionnés pour le PoC Cooptation (Proof of concept) et les plus disponibles, ayant un carnet d’adresses bien rempli et une bonne connaissance des postes à combler, seront, bien évidemment, avantagés. Nous souhaitons que cette opération test de 6 mois ne soit pas renouvelée.

Etre Orange demain…

Fabienne Dulac lance quatre chantiers pour construire l’après crise sanitaire. Mais, annonce-t-elle d’emblée, si cette crise nous a impactés on garde le cap établi par le plan stratégique Engage 2025. C’est donc fortement encadrés qu’évolueront ces groupes d’études.

Ainsi peut-on s’interroger sur la marge de manœuvre permise pour ajuster la stratégie du groupe et nos priorités aux impacts de la crise et en particulier pour aménager nos trajectoires financières. Quelle sera la place laissée à l’humain dans ces projets ? Les salariés devront-ils continuer, quoi qu’il leur en coûte, à se mettre en conformité avec ce qui leur est présenté comme impératif et indiscutable, ainsi qu’ils ont dû le faire tout au long du confinement ?

La première « piste de travail » du « think tang d’anticipation » (!!!) mis en place par la directrice d’Orange France part du constat que « seulement 25% des salariés qui étaient dans l’entreprise en 2015 seront encore là en 2025« . C’est donc bien sur la capacité d’adaptation des personnels que tablent nos penseurs de ce laboratoire d’idées qui se propose de « sortir des conventions » et de « casser les codes ». Mais qui dit adaptabilité ne dit pas ingénuité.

La jeune génération, pas plus que les « salariés plus expérimentés », n’acceptera la dégradation de ses conditions de travail et le manque de reconnaissance.